"Noé n’est plus mon copain, je suis trop triste". "Non, je ne veux pas manger !". "Je veux un bonbon !" Face à certaines émotions particulièrement intenses exprimées par les enfants, certains peuvent parfois être décontenancés. Comment apprendre à gérer les émotions des enfants ? Comment les accompagner ? Le thème était au cœur de l’émission Le Vie devant soi, mardi.
Changer de regard sur les émotions
La première chose à faire, c’est peut-être de ne pas les condamner. "Colère, jalousie, culpabilité : beaucoup d'émotions de nos enfants sont connotées négativement. Il faut les réhabiliter. Dans notre société de normalisation, d'évaluation, d'efficacité, de rapidité, on cicatrise les blessures avant qu'elles soient ouvertes. Or, la souffrance, ce n'est pas une blessure. C'est un moyen de se construire", assure sur Europe 1 Philippe Grimbert, psychanalyste et auteur de Quand ça va, quand ça va pas…. Leurs émotions expliquées aux enfants.
La colère pourra lui servir plus tard à combattre une injustice, la culpabilité lui poussera à corriger ses erreurs, la jalousie à interroger son rapport aux autres… "L'émotion est le début de la solution. Cela le fait s'adapter à la réalité", abonde Catherine Aimelet-Perissol, médecin et psychothérapeute, auteure de Émotions, quand c’est plus fort que lui !
S’il souffre, reconnaissez-le
Une fois cette prise de conscience effectuée, il s’agit d’apprendre à l’aider, lui, l’enfant, à reconnaître ses émotions. Et selon nos deux experts, il y a de nombreuses expressions à proscrire : "Sois fort, prends sur toi, ne sois pas triste, n'aie pas peur, les garçons ne pleurent pas, tu n'as rien, tu n'as pas mal etc."
" Le langage sert à canaliser les émotions, à les mettre dans la norme du langage humain "
Avec de telles expressions, l'enfant ne se reconnaît pas, il ne s’identifie pas à ce qu’il vit et cela ne l’aidera pas à se servir de son émotion pour se construire. "L'enfant a surtout besoin d'un phénomène de reconnaissance par rapport à ce qu'il éprouve", insiste Catherine Aimelet-Perissol. "Après une chute à vélo, il s'agit par exemple d'avoir le courage de lui dire : ‘oulah, oui, tu dois avoir mal. Mais ça va aller mieux bientôt, ne t’inquiète pas’. Cela entre en résonance avec ce qu'il ressent, cela pourra le calmer", confirme Philippe Grimbert.
Lui apprendre à verbaliser ses émotions
Selon les spécialistes, le rôle du parent est d’aider l’enfant à trouver ses ressources en lui-même. "Il s'agit de lui apprendre à verbaliser ses émotions, à mettre des mots sur ce qu'il se passe dans son corps (le cœur qui bat, la peau qui rougit...)", explique Catherine Aimelet-Perissol. Par exemple, lorsque l'enfant exprime une phrase du type "je ne veux pas manger" lors d’une crise de colère, le parent peut lui retourner la question, lui demander "ah bon, tu n’as pas faim" ? "Cela permet de restituer à l'enfant la responsabilité de sa phrase, cela le pousse à raisonner sur ce qu’il dit. Cela invite l'enfant à la précision, à mettre des mots sur ses raisons", poursuit la médecin.
Et de donner un nouvel exemple : "s’il demande des bonbons au supermarché, avant de refuser, avant d’exprimer les raisons de votre refus (cela fait mal aux dents, tu en as déjà eu la semaine dernière on verra la semaine prochaine….), posez-lui des questions. Demandez-lui, ‘ah oui, mais pourquoi tu en veux ? Tu connais le goût ? Tes copains t’en ont parlé ?’ Cela lui permet d’instaurer un dialogue avec son désir et cela montre que vous vous y intéressez".
"Il y a toujours quelque chose derrière un caprice. Si l’enfant ne veut absolument pas manger, si la situation se répète, c’est peut-être qu’il y a un vrai dégoût de quelque chose, ou peut-être qu’il veut provoquer ses parents. La verbalisation est essentielle pour s’en rendre compte et entamer un nouveau travail avec lui", enchaîne Philippe Grimbert. Et de conclure : "Le langage sert à canaliser les émotions, à les mettre dans la norme du langage humain".