Cela a mis du temps à se sentir, mais c’est l’automne depuis le 23 septembre dernier. Depuis cette date donc, la nuit a commencé à être plus longue que le jour. Et ça ne va pas s’arranger avec le passage à l’heure d’hiver dans la nuit de samedi à dimanche, qui aura pour conséquence de voir le jour décliner encore plus tôt. Le corollaire, c’est une moindre exposition à la lumière du jour, et pour certains, cela n’est pas sans conséquence. Cela peut en effet entraîner l’apparition d’un trouble affectif saisonnier (TAS), plus connu sous le nom de "dépression saisonnière".
Longtemps sous-estimée, cette véritable pathologie est aussi, et par conséquent, largement sous-diagnostiquée. Voici, grâce à Eric Charles, psychiatre à Limoges et auteur en 2015 de Chacun son rythme (ed. First), quelques clés pour se prémunir - ou atténuer les effets - du TAS.
Le trouble affectif saisonnier, qu’est-ce que c’est ?
Le trouble affectif saisonnier, c’est en fait une version plus sévère du "blues de l’hiver", cette humeur morne ou morose que tout un chacun peut avoir ressentie quand le temps n’est pas au beau fixe et que les jours raccourcissent. "Le TAS, c’est en fait un épisode dépressif caractérisé, qui a des critères plus spécifiques, avec notamment une apparition à l’automne et une rémission spontanée au retour des beaux jours", explique Eric Charles.
"On est triste, au ralenti, on a moins le goût à faire des choses, on se fatigue plus vite… Bref, on a un ralentissement physique et psychologique général", insiste le psychiatre, qui cible tout de même une spécificité du TAS. "Alors que dans une dépression classique, on a du mal à dormir et qu’on subit une perte d’appétit, là, au contraire, le TAS s’accompagne souvent d’une augmentation de l’appétit - on mange plus de produits sucrés notamment - et de l’envie de passer plus de temps au lit."
La connaissance de la pathologie est très récente, puisqu’elle a été théorisée par le psychiatre américain Norman Rosenthal en 1984. Depuis cette date, les études ont permis de comprendre les mécanismes neurologiques du TAS. D’un côté, le manque de lumière augmente la production de la mélatonine, produite par le corps pendant la nuit, et qui donne envie de dormir. Parallèlement, l’action de la sérotonine est diminuée. Or, ce neurotransmetteur est impliqué dans la régulation du sommeil et de l’humeur. Un double effet parfois funeste.
Pour se soigner, prévenir…
Pour les personnes qui se savent sujettes à la dépression saisonnière, le mieux est encore de tout faire pour éviter l’apparition des symptômes. "L’idée, si on le peut évidemment, c’est de recadrer son rythme de vie pour faire en sorte d’avoir plus de lumière dans la journée. Ça peut être se lever plus tôt, aller en marchant au travail, se mettre dès que possible à la lumière. En fait, faire le maximum pour augmenter l’exposition à l’ensoleillement", explique Eric Charles. Les activités physiques d’extérieur, les promenades, le sport, sont autant de moyens d’essayer de prévenir la maladie.
"On conseille même ceux qui le peuvent de partir une semaine ou deux, dans des régions plus ensoleillées", affirme le psychiatre. Il existe en effet un vrai rapport entre la latitude et la prévalence et de la maladie. En clair, les Lillois sont statistiquement plus sujets au TAS que les Marseillais.
…ou guérir, grâce à la luminothérapie
"Par contre, quand la maladie est déclarée, on est obligé de la traiter", assure Eric Charles. Et pour le coup, il existe un traitement indolore et efficace. "Pendant longtemps, on l’a fait par le biais d’antidépresseurs, mais de plus en plus, la luminothérapie s’impose", explique le psychiatre. Il faut dire qu’elle est nettement moins coûteuse et plus efficace. "Là où on prescrit un traitement de six mois pour des médicaments, une cure de lumière de deux semaines peut largement suffire pour sortir du TAS."
La luminothérapie consiste à s’exposer quotidiennement, le matin principalement, pendant au moins trente minutes, à une forte intensité lumineuse, de l’ordre de 10.000 lux. A titre de comparaison, les ampoules qui se trouvent chez tout un chacun n’excèdent pas quelques centaines de lux. Il convient donc de fréquenter des lieux équipés, voire de s’équiper soi-même." Les lampes de luminothérapie sont devenues aujourd’hui nettement plus abordables", assure Eric Charles.
Peut-on être victime d’un TAS sans le savoir ?
La maladie est encore largement méconnue en France. Selon les études, la prévalence du TAS oscille entre 0,4% et 10% de la population touchée, à des degrés divers. Une chose est sûre : "la maladie est très largement sous-diagnostiquée", regrette le psychiatre Eric Charles. "On a longtemps pu penser que c’était la norme, qu’on allait moins bien en automne et en hiver, que c’était comme ça. Mais il peut y avoir des épisodes sévères. C’est pour ça qu’on essaye d’informer, pour que la maladie soit plus connue", insiste le médecin.