Les histoires d’amour finissent mal, en général ? La chanson des Rita Mitsouko contient une part d’exagération, mais également un fond de vérité. Selon les derniers chiffres de l’Insee, 44% des mariages français ne durent pas toute la vie, avec un pic de divorces atteint après seulement cinq ans de vie maritale. Ce chiffre a triplé depuis 50 ans. Pourtant, il y a encore des couples qui durent. La majorité des mariages (56%, donc) continue de perdurer jusqu’à la mort des époux. Et selon un sondage iFop paru en 2014, 17% des Français déclarent même n’avoir connu qu’un seul partenaire au cours de leur vie, les trois-quarts d’entre eux étant toujours avec cette personne. Quels sont les secrets de ces histoires longues ? Europe 1 tente de percer quelques-uns de leurs mystères.
Accepter le fait que les sentiments changent
"L'amour ne se prédit pas, il se construit", avance la psychologue Camille Rochet, auteure d’une Boîte à outils pour être un couple épanoui, invitée mardi de La Vie devant soi. Et selon la thérapeute, la base de la construction, c’est d’accepter que "l’amour du début" ne durera pas éternellement. "Il faut sortir de l'illusion que le sentiment de départ va durer. Aujourd'hui, on se bat pour un amour illusoire. Et dès qu’il disparaît, on fuit. Pourtant, avec le temps, l'amour peut devenir beaucoup plus profond, beaucoup plus beau, beaucoup plus serein. La relation se stabilise et l'on va être moins pris par nos émotions. Avec cet amour-là, un couple peut durer des années et des années", assure-t-elle. "Je crois que l'état amoureux initial est une sorte d'exaltation, d'embrasement. Mais petit à petit, on va découvrir un nouveau paysage, qui peut aussi être merveilleux. En avançant, en tenant, on se rend compte des avantages à rester ensemble", poursuit Jean-Paul Mialet, psychiatre et auteur de L’amour à l’épreuve du temps, également invité d’Europe 1.
Attention et communication, sans en faire trop
"Maintenir l’attention à l'autre, c'est la base du couple. Il est important que chacun se sente regardé, aimé, digne d’intérêt", poursuit Jean-Paul Mialet. Selon l’Insee, 22% des divorces sont en effet justifiés par "l’égoïsme du partenaire". Il s’agit donc, dans un couple, d’apprendre à faire des concessions, de multiplier les marques d’affection, de se soutenir mutuellement dans les épreuves. Et la communication, le partage des idées, des émotions, des envies et l’écoute de l’autre sont des outils majeurs. Mais écouter l’autre ne veut pas non plus dire se mettre totalement de côté. "J’ai en tête un couple de septuagénaires. L’épouse avait dit à son mari : ‘j’aimerai que tu me fasses des baisers de cinéma’. Il lui avait répondu : 'tu sais, je n’en suis plus vraiment capable'. Le mari avait écouté son épouse. Ils en ont discuté. Il a refusé. Et ils ont fini par en rire !"
Il s’agit également de trouver l’équilibre entre tout garder pour soi et tout dire. L’autre ne doit pas être le réceptacle de tout ce que l’on a sur le cœur. "Le fait de parler de n’importe quelle petite chose tue le plaisir. Taisez-vous un peu et profitez l’un de l’autre. Pas étonnant que les gens se séparent à droite et à gauche : ils parlent d’une chose insignifiante jusqu'à ce que mort s'en suive", écrit la chroniqueuse spécialisée E. Jean Carroll, dans le Elle américain. "Il peut aussi y avoir des périodes où l'on ne se parle plus. Je pense qu'il faut être un peu indulgent aussi. Lorsque cela fait longtemps que l'on est ensemble, il faut aussi comprendre que l'on n’a pas autant de choses à se dire qu’au début", enchaîne Jean-Paul Mialet.
La gratitude, base de l’alchimie
L’idée n’est donc pas forcément de tout se dire. Mais plutôt de réussir à instaurer un climat de confiance, où l’on sent que l’on PEUT tout se dire. Et pour parvenir à une telle alchimie, la clé consiste à placer la gratitude au centre de la relation. Selon une étude parue récemment dans la revue Personnal Relationship et menée auprès de 468 couples, les plus heureux sont ceux qui se disent "merci", qui reconnaissent les bons côtés de l'autre, même pendant une dispute, et qui gardent en tête la chance qu’ils ont d’être en couple.
" Il y a trop souvent ce fantasme de vouloir évacuer toute souffrance de notre vie "
"Aujourd'hui, les couples se font plus de reproches que de mercis. Dire merci parce que l’autre a jeté la poubelle, vidé le lave-vaisselle, parce qu’il est allé chercher les enfants ou parce qu’il a mis le parfum que vous aimez bien... C'est essentiel, et c’est trop souvent oublié", abonde Camille Rochet. "Le jour où l’on a une main blessée, on se rend compte de la chance que l’on a d’en avoir deux, on y prête plus attention. Je pense que la même logique se joue dans le couple. Si on parvient à être attentif à la chance que l'on a d'être à deux, on pourrait regarder l'autre avec émerveillement", assure Jean-Paul Mialet. De cette culture de la gratitude naîtra également la tolérance, l’acceptation des petits défauts de l’autre, de ses idées ou ses valeurs qui sont contraires aux nôtres.
Accepter les conflits, et prendre du recul
La capacité des couples à durer dépend également de leurs aptitudes à surmonter les conflits, à ne pas identifier une dispute à la fin d’une histoire. "Il y a trop souvent ce fantasme de vouloir évacuer toute souffrance de notre vie", regrette la psychologue Camille Rochet. "Souvent, lorsque le couple va être face à une souffrance, face à un obstacle, il en a peur et va fuir. Les partenaires vont se dire qu'ils sont arrivés au bout de leur histoire", poursuit la thérapeute. Et de conclure : "en faisant cela, on se perd dans un combat ou l'on n’arrête pas de détruire, de reconstruire, de détruire, de reconstruire.... Cela entretient une illusion et l’on se blesse profondément".
Mais il ne suffit pas d’accepter le conflit : encore faut-il savoir y faire face. "Le conflit est la mise en place des deux individualités. Le risque est qu'il y ait, à l’issue d’une dispute, un gagnant et un perdant. Il faut donc qu'il y ait une résolution gagnant-gagnant", insiste Camille Rochet. Pour cela, il est important de prendre de la distance, du recul sur l’objet de la dispute. Des chercheurs en psychologie (canadiens et américains) ont publié une étude sur le sujet en 2014. Et selon eux, les couples les plus durables sont ceux qui ont le plus de capacité à se projeter vers l’avenir durant un conflit. "Lorsque les couples se disputent à propos de sujets comme les finances, la jalousie ou des problèmes interpersonnels, ils ont tendance à employer leurs sentiments du moment pour alimenter la querelle. En envisageant leur relation à l'avenir, les personnes peuvent détourner leur attention de leurs sentiments actuels et atténuer les conflits", explique Alex Huynh, co-auteur de l’étude.
Avoir des rêves communs
D’où l’importance d’avoir des rêves partagés, des projets communs sur le long terme qui nécessitent d’être deux, qui font appel à la force d’une union à deux. Voyager, faire construire une maison, créer une entreprise… "Le couple doit prendre des paris sur son avenir s’il veut se renforcer et s’il veut éviter l’ennui", résume dans Psychologies magazine le psychologue Alain Delourme. Peu importe, d’ailleurs, que le rêve commun se réalise ou non. "Rêver ensemble est un excellent moyen de se créer un univers fantasmatique qui n’appartient qu’au couple", conclut le thérapeute.