Le "développement personnel" n’est pas réservé aux femmes. C’est le message qu’a voulu envoyer le coach américain David H. Wagner, dont l’ouvrage Guide viril de développement personnel à l’usage des hommes vient d’être traduit en français. L’auteur entend, en effet, aider les hommes à investir des thématiques qu’ils auraient trop longtemps délaissées. "Les dernières décennies ont vu, c‘est un fait, une vraie révolution dans le domaine du développement personnel. Mais cette révolution, nous les hommes, nous n’en avons pas bénéficié. Oh, personne ne nous en a exclus. C’est nous qui avons décidé de ne pas y participer", écrit-il dès l’introduction, reconnaissant s’appuyer davantage sur son propre ressenti que sur des études précises. "Les femmes autour de nous ont essayé différentes thérapies, ou le yoga. Elles ont acheté des quantités de manuels, qui parlent de spiritualité ou de religion. Finalement, nous leur avons abandonné le secteur de la transformation de soi", poursuit-il.
Mais en ne voulant s’adresser qu’aux hommes, l’auteur brouille la plupart de ses conseils, pourtant inspirants, avec des clichés qui desservent l’ouvrage. Voici un résumé de ce qui nous a plu, et moins plu.
CE QUE L'ON Y TROUVE
L’auteur n’est ni un écrivain, ni un scientifique. Ne vous attendez donc pas à une prose décapante, ni à un lexique très évolué. Mais cela ne dessert pas forcément l’ouvrage, qui vise avant tout à prodiguer des messages accessibles à tous. Et cela fonctionne : les non-initiés acquerront sans trop d’effort des principes de base en spiritualité hindoue, amérindienne ou maorie. À chaque fin de chapitre, un résumé est proposé au lecteur, qui pourra aisément s’y référer dès qu’il veut se souvenir en un coup d’œil de l’ensemble du chapitre. L’essence même du livre est d’ailleurs résumée rapidement par quelques notions simples, qui n’en sont pas moins inspirantes :
- Les quatre piliers du bonheur "faux" sont les biens matériels, le succès professionnel, l’amour et la santé, dont "on nous a toujours répété que le bonheur venait" d’eux
- Le bonheur radical est "un bien être inconditionnel, chèrement acquis, à force de travail" et qui ne se laisse pas affecter par les aléas de la vie
- Les trois clés de ce bonheur radical sont "connaître son but dans la vie et suivre sa vision" ; "cultiver un lien spirituel authentique et profond" et "se libérer de ses casseroles"
À chaque fin de chapitre, enfin, l’auteur propose une série de petites fiches, des exercices, des idées de questions à se poser, des attitudes à avoir face à une situation et face aux autres, permettant de cheminer au quotidien en même temps que l’on avance dans l’ouvrage.
CE QUE L'ON A AIMÉ
Des images percutantes. C’est là l’une des grandes forces de l’œuvre : pour servir son propos, l’auteur n’hésite pas à filer la métaphore, employant des images qui font souvent mouche. David H. Wagner pioche ainsi dans l’imaginaire des indiens Lakota, qui distinguaient la "Voie rouge" (celle de l’honneur, de la sagesse, du pouvoir et de la vision) et la "Voie noire" (correspondant à la mesquinerie, l’égoïsme, la lâcheté ou l’inconscience). Il use du vocabulaire religieux ("Esprit", "Dieu", "mystique") pour nous inciter à nous interroger sur le sens de l’être, que l’on soit croyant ou non. Et parvient à résumer les principales facultés de l’âme humaine, au travers de la figure du Roi (ce qui, en nous, délibère, tranche et prend les décisions), du mystique (le sage qui, par ses intuitions, conseille le roi), du guerrier (le courage, au service des décisions du roi) ou encore de l’Amant (la sensibilité, l’ouverture aux autres, la faculté d’aimer…).
Un parcours original. Autre petit plus : l’originalité de l’auteur lui-même, qui ponctue ses conseils par des éléments de sa propre vie, sa principale source d’inspiration. L’auteur n’est ni un académicien, ni un scientifique, ni un universitaire, mais il nous le dit dès le début de l’ouvrage. Il s’inspire autant des réunions aux Alcooliques anonymes qu’il a fréquentées dans un lointain passé que de sa pratique de la méditation (il a étudié et enseigné en Inde, où il a vécu 10 ans), de son expérience de père, de ses conversations avec son "pote biker" ou de spiritualité amérindienne. En résulte un certain "franc-parler" mais aussi quelques occasions de s’identifier à lui, ce qui aide à l’assimilation des messages.
CE QUE NOUS N’AVONS PAS AIMÉ
Un concept purement marketing ? Il est permis de douter, à la lecture de l'ouvrage, de son intention véritable : s'adresse-t-il uniquement aux hommes ? L'auteur, lui, l'affirme. Et emploie un vocabulaire clairement destiné à la gent masculine. Son but, dit-il, est d’aider le lecteur à devenir "un homme vrai", qui maîtrise son "énergie masculine" et (re)trouve sa "virilité profonde". Mais au-delà de l'objectif marketing, celui d'attirer un public moins enclin à ce type de thématiques, difficile de comprendre en quoi ses conseils s'adressent plus aux hommes qu'aux femmes.
David H. Wagner tombent parfois dans des clichés non étayés, qui desservent son livre et le coupe de lectrices qui pourraient pourtant tirer profit des notions abordées. Certes, son postulat de départ semble vrai : en 2017, selon Ipsos, 37% des femmes ont déjà lu un livre de développement personnel, contre 24% des hommes (un chiffre qui a toutefois augmenté de 6% en deux ans). Mais le coach américain aurait pu se contenter de trouver une manière d’attirer les hommes, sans s’adresser exclusivement à eux.
… Et des injonctions malvenues. En outre, l’auteur, qui, on le rappelle, n’a suivi aucune formation universitaire, se perd parfois dans des injonctions, des "il n’y a qu’à faut qu’on", des conseils présentés comme des remèdes miracles et qui n’ont absolument aucune valeur scientifique. "Notre vision constitue le meilleur remède aux problèmes du travail", avance même l’auteur lors d’un chapitre intitulé "se libérer des problèmes professionnels". David H. Wagner a peut-être trouvé sa "vision", mais son livre aurait gagné à faire montre de plus d’humilité.
>> Les trois choses à retenir
1) Pédago, imagé et avec une dimension pratique, l’ouvrage délivre des messages efficaces et inspirants
2) À ne vouloir s’adresser qu’aux hommes, l’auteur se perd dans les clichés
3) L’auteur adopte, de temps à un autre, un ton injonctif et a parfois tendance à présenter ses conseils comme des "recettes miracles"