Impôts : comment lutter contre la "phobie administrative" ?

Certains contribuables ont des sueurs froides face à leur déclaration de revenus.
Certains contribuables ont des sueurs froides face à leur déclaration de revenus. © AFP / Europe 1
  • Copié
, modifié à
JOURNÉE SPÉCIALE IMPÔTS – Certaines personnes ont tendance à toujours reporter leurs démarches au lendemain. D’autres ressentent véritablement de la peur face à tout ce qui relève de la "paperasse". Nos conseils.

Il ne vous reste que quelques jours pour remplir votre déclaration de revenus (voir le calendrier ici). Pour vous y aider, Europe 1 se mobilise toute la journée afin de répondre à toutes les questions que vous pouvez vous poser sur votre feuille d’impôts. Mais cela ne suffira peut-être pas à vous motiver. Peut-être que, comme chaque année, vous vous y prendrez au dernier moment, voire pas du tout, au risque de vous exposer à une sanction. Peut-être aussi que cela ne concerne pas uniquement vos impôts, mais également cet abonnement que vous n’avez toujours pas résilié ou cette feuille de soins que vous n’avez toujours pas envoyée à la Sécu.

À l’occasion de notre "journée spéciale impôts", Europe 1 vous livre quelques conseils afin de surmonter la "phobie administrative", pour reprendre une expression popularisée par l’ancien secrétaire d'Etat au Commerce extérieur de François Hollande, Thomas Thévenoud, évincé du gouvernement en 2014 et condamné pour "fraude fiscale" pour ne pas avoir déclaré ses revenus en 2012 (et l’avoir fait en retard de 2009 à 2013).

"Phobie administrative", de quoi parle-t-on ?

Ce n’est pas une phobie répertoriée. Avant sa mention par Thomas Thévenoud, qui en a même fait une marque déposée, vous n'aviez probablement jamais entendu parler de cette expression. Et pour cause : aux yeux des psychologues, elle n'existe pas. Elle n’est pas officiellement reconnue comme une "phobie", comme peuvent l’être l’agoraphobie ou la claustrophobie par exemple. Mais en a-t-elle les aspects ? Une phobie se caractérise par une peur démesurée, irrationnelle, et qui dure dans le temps, en lien avec un objet ou une situation précise. Qu’en est-il du phénomène évoqué par Thomas Thévenoud ?

"Aucun psychologue n’y croit, c’est une arnaque. Certaines personnes ont une structure phobique, c’est-à-dire qu’elles ont une angoisse ineffable, qu’on ne comprend pas. Ils mettent ensuite un objet dessus, comme le travail ou les araignées", explique à Libération Bernard Martel, psychologue à Paris. Or, la "phobie administrative" n'a jamais fait l'objet d'étude scientifique et les psychologues doutent qu'elles soient réellement le fruit d'une "structure phobique".

Pseudo-phobie ou procrastination ? Pour autant, de nombreuses personnes assurent bien ressentir de la "peur" face aux démarches administratives (on peut consulter, par exemple, le forum du site de Psychologies magazine pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène). Comme nous l'explique Rue 89, les agents du fisc sont souvent confrontés à "des contribuables négligents pathologiques qui laissent s’accumuler les courriers sans les ouvrir, dans une espèce de fuite en avant".

Sébastien Garnero, docteur en psychologie, cité par Libé, préfère parler de "pseudo-phobie" : "des symptômes d’anxiété se manifestent lorsque la personne est face à l’objet de son angoisse ou en préméditation. C’est irrationnel et il y a autant de pseudo-phobies que d’objets". Dans certains cas, en revanche, il est préférable de parler de "procrastination" : il ne s’agit alors pas d’une réelle anxiété, mais d’une tendance très marquée à tout repousser au lendemain. Et qui, elle, a déjà bien été étudiée par les psychologues. 

" Certaines personnes peuvent avoir du mal à signer de leur nom après un choc familial "

Quelles en sont les causes ? Dans un cas comme dans l’autre, les causes peuvent être multiples. Un manque de confiance en soi peut conduire à reporter indéfiniment une tâche que l’on pressent comme insurmontable, ou dont on redoute les conséquences ("et si je me trompais ? Et si je cochais la mauvaise case ?"). À l’inverse, un excès de confiance peut pousser à nous faire croire que, même si l’on ne fait rien jusqu’au dernier moment, on s’en sortira quand même. Dans ces cas-là, on redoute aussi de s’attaquer à une activité que l’on ne maîtrise pas, et qui pourrait ébranler notre précieuse confiance en nous.

Un esprit rebelle ("je ne suis pas aux ordres de l’Etat !"), une répulsion face à toute forme d’ennui (quoi de plus ennuyeux que de remplir sa déclaration…) ou encore une nature impulsive (qui nous conduit à agir uniquement lorsque l’on est enthousiasmé par quelque chose) peuvent encore expliquer certains penchants pour la procrastination.

Comment éviter d’être débordé par la paperasse ?

Listez les raisons de vos anxiétés. Dans les cas où il s’agirait d’une "pseudo-phobie" comme évoquée plus haut, d’une réelle peur irrationnelle et durable, la guérison peut demander du temps. Il est alors recommandé de se faire accompagner, par un psy, ou par une personne particulièrement compétente. La société FamilyZen, par exemple (retrouvez ici leur intervention dans l’émission Bonjour la France) propose de vous venir en aide pour plusieurs types de tâches administratives. Vous pouvez également commencer par vous poser la question : quand a commencé votre anxiété ? "Un décès ou un divorce, par exemple, peuvent provoquer un traumatisme psychique. Certaines personnes peuvent avoir du mal à signer de leur nom après un choc familial", indique le psychologue Sébastien Garnero. Une prise de conscience des origines de notre mal est souvent la première étape pour repartir du bon pied. Lister les raisons de ses peurs par écrit peut alors favoriser la prise de conscience.

Identifiez vos moments d’efficacité et vos priorités. S’il ne s’agit "que" de procrastination, d’une tendance, certes bien ancrée, mais qui ne relève pas de la "peur" à proprement parler, quelques conseils simples peuvent être mis en œuvre. Tout d’abord, rien ne sert de s’auto-flageller : cela ne fera qu’accroître votre démotivation et l’impression que l’épreuve est insurmontable pour vous. Essayez d’identifier les moments de la journée (tôt le matin, en milieu de matinée, en début d’après-midi, en fin d’après-midi, le soir, pourquoi pas la nuit…) et les endroits (au boulot, dans la cuisine, dans le salon, les toilettes...) où vous êtes le plus efficace et choisissez-les pour vous mettre à la tâche que vous repoussez depuis des semaines.

Hiérarchisez bien vos priorités : qu’est-ce qui est le plus utile ? Le plus urgent ? Ne raisonnez-pas forcément en fonction du temps que vous prendra une tâche. Parfois, lorsque l’on a du temps devant soi, on peut par exemple être tenté de nettoyer ses vitres plutôt que de remplir sa déclaration, car cela prend plus de temps et que, pour une fois, on en a, du temps. Mais le risque est de ne jamais se remettre ensuite aux tâches administrative, certes moins longues, mais plus urgentes.

" Pendant une période assez courte, il s’agit de ne porter son attention que sur une seule tache, appelée tranche de tomate "

Décomposez vos actions. Ensuite, il est important de décomposer son action en plusieurs petites étapes. Pour la feuille d’impôt, par exemple, vous pouvez commencer par vous réserver dix minutes pour chercher vos bulletins de salaire, puis, un peu plus tard, dix minutes pour les regarder, puis dix minutes pour vous connecter sur impôt.gouv.fr, puis faites une première tentative. Et s’il y a des blocages, réitérez la décomposition des tâches : dix minutes pour faire des recherches sur ce qui vous pose problème, puis une pause, puis dix minutes pour s’y remettre etc.

Certains appellent ça la "méthode Pomodoro", où la méthode "tranche de tomate". "Pendant une période assez courte, il s’agit de ne porter son attention que sur une seule tache, appelée tranche de tomate. Puis d’enchainer avec une pause de cinq minutes maximum puis de passer à une autre tache/tranche et ainsi de suite. Au bout de quatre tranches de tomate, pratiquez des pauses plus longues de 15 à 30 minutes", détaille dans Les Echos Diane Ballonad Rolland, coach et J’arrête de procrastiner – 21 jours pour changer.

L’intérêt de cette décomposition est double. Vous serez moins démotivé en amont à l’idée de consacrer une heure à une tâche ennuyeuse. Et cela multiplie également les succès : après chaque "tranche de tomate", dîtes-vous que vous avez accompli un objectif, que vous avez progressé, car cela va nourrir votre confiance en vous.

Prévoyez-vous des récompenses. Il est également recommandé de se prévoir, en amont, des récompenses, des plaisirs qui sortent de l’ordinaire, que vous ne vous autoriserez que si vous accomplissez votre objectif. Cela peut paraître triviale mais les spécialistes sont unanimes : l’efficacité est radicale. Ainsi, avant de vous attaquer à votre déclaration de revenu, votre abonnement ou votre feuille d’Assurance maladie, pensez aux sushis que vous vous ferez livrer, au film que vous regarderez ou au bain chaud dans lequel vous vous plongerez après vous être enfin débarrassé de la corvée.

Enfin, petit conseil à l’entourage : rien ne sert de traiter le procrastinateur de fainéant ou le phobique de lâche. Cela ne fera que plomber sa confiance en lui. Si vous êtes directement affecté par le retard pris par un autre, faites-lui comprendre calmement en quoi cela vous pose problème et quel est l’enjeu. Puis demandez-lui quelle solution il propose pour rattraper son retard. Il se sentira impliqué, responsabilisé, et sera davantage incliné à agir.