"Nous tous, Français, avons tremblé d’un frisson singulier. L’un d’entre nous venait de se dresser, droit, lucide et brave". Les mots sont d’Emmanuel Macron, lors de l’hommage national rendu à Arnaud Beltrame. Le gendarme, qui s’est sacrifié pour sauver une otage, vendredi, lors des attaques de l’Aude, incarne "l’esprit français de la résistance", selon les termes du chef de l’Etat. Mais comment s’inspirer de l’acte de bravoure d’un tel héros ? Arnaud Beltrame, sorti major de sa promo de l’Ecole militaire de Saint-Cyr, décoré de la croix de la valeur militaire après sa mission en Irak, ancien Grade républicain, se situe clairement du côté des êtres exceptionnels. Mais il nous incite, tous, à réfléchir sur la notion de courage. Et de sa place dans nos vies.
Qu’entend-on, exactement, par courage ?
Le courage est "une force mentale, une disposition du cœur", résument à gros traits les dictionnaires. Le Robert, comme le Larousse, présentent deux formes de courage : celui qui consiste à rester "ferme" devant un danger. Et celui qui consiste à rester maître de ses émotions, capable de prendre une décision, malgré la peur. En clair, il y a celui qui n’a pas peur devant le pire des périls. Et celui qui, malgré sa peur, parvient à maîtriser ses émotions, à rester lucide, et prendre la meilleure décision.
Si les philosophes antiques accordaient davantage cette vertu aux guerriers, le courage s’entend aujourd’hui sous des acceptions bien plus larges. "Il existe plusieurs façons de se montrer courageux. En sauvant notre semblable quitte à s’exposer à la mort, bien sûr. Mais aussi en ayant le courage de ses opinions, c’est-à-dire de s’affirmer, de s’exposer", résume la journaliste psychologue Isabelle Taubes. "Personne n’est courageux une fois pour toutes : le courage est le fruit d’une décision sans cesse renouvelée. Il est clair que nul ne possède ‘tous’ les courages : celui qui sauve une famille des flammes n’ose parfois pas s’affirmer face à son épouse tyrannique", complète-t-elle, dans Psychologie magazine.
Peut-on s’entraîner au courage ?
Arnaud Beltrame, formé à Saint-Cyr, fleuron de la gendarmerie, avait peut-être un tempérament valeureux. Mais il s’est aussi exercé, longuement, au courage, lors de toutes les épreuves et entraînements de sa carrière, porté par un esprit d’équipe et des valeurs fortes, propres aux différents corps de métiers auxquels il a appartenu.
Certes, tout le monde ne peut pas suivre une formation de militaire. Pourtant, face à nos peurs, nous avons tous une marge de manœuvre. Ricks Warren, professeur agrégé de psychiatrie clinique à l'Université du Michigan, conseille par exemple de commencer à classer vos peurs via une échelle de valeur, de 0 à 100 par exemple. "Quand on imagine la perte d'un enfant, ou un horrible accident, il est plus facile de relativiser les incidents moins graves. On ne met pas 100 à tout", explique le spécialiste au Huffington Post. Face à une situation particulièrement anxieuse, vous pouvez également la décomposer en une série de petites actions simples à faire, en vous focalisant sur de petits gestes plutôt que sur la situation en général. Avant d’aller contester une décision de son supérieur hiérarchique, il faut se lever de sa chaise et marcher. Il est, donc, conseillé de se concentrer d’abord là-dessus pour arriver à ses fins.
De la méditation à la sophrologie en passant par les arts martiaux, plusieurs méthodes peuvent également vous aider à travailler vos peurs, gagner confiance en vous, sans passer par un entraînement militaire. Mais la meilleure manière de les affronter reste, tout de même, d’y être confronté. "Beaucoup de nos peurs passent ou s’atténuent parce que nous les affrontons régulièrement ; ainsi, tous les enfants ont peur du noir, du vide, des bruits violents, etc., puis cela s’estompe. Si cette confrontation n’a pas eu lieu durant l’enfance, le travail sera simplement à faire une fois devenu adulte", rappelle le psychiatre Christophe André, auteur de Psychologie de la peur : craintes, angoisses et phobies.
À retenir
> Notez vos peurs sur une échelle de 1 à 100 permet de vous aider à relativiser
> Décomposez les situations angoissantes pour vous concentrer sur quelques gestes simples
> Le meilleur moyen de ne plus avoir peur de quelque chose, c'est d'y être confronté
Le courage dépend-il uniquement de soi ?
Mais l’entraînement intensif d’Arnaud Beltrame n’explique pas, à lui seul, son acte héroïque. À lire les témoignages de ses proches et de ses collègues, il était également porté par trois forces qui le transcendaient : l’amour de sa compagne, celui de la patrie et sa foi chrétienne. "Dans le courage, il y a un rapport à la transcendance, qu’elle soit sacrée ou profane : l’amour porté à autrui est aussi une forme de transcendance, bien sûr, la foi est une transcendance spirituelle, religieuse. Dans tous les cas, cela appelle à quelque chose de plus grand que soi", analyse dans La Croix la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury.
Selon Cynthia Fleury, toutefois, l’acte courageux est un acte libre, délibéré, fruit d’une décision qui se prend sur l’instant. Et il est impossible de prédire à l’avance, peu importe le profil de l’individu, la décision qui sera prise. "C’est un acte qui relève du don de soi. Certes, il est mû par le sentiment d’une charge, presque de dette envers soi et envers la société, mais en dernière instance, personne ne l’y oblige et personne ne l’aurait accusé de quoi que ce soit s’il ne l’avait fait", conclut la philosophe.
Le courage est dans notre cerveau
Face à un danger ou une situation angoissante, nous ne sommes pas tous en mesure de réagir de la même manière. Ce constat que tout le monde peut faire au quotidien a récemment été corroboré par la science. En juin dernier, une étude réalisée par des chercheurs en neurosciences de New York parvenait à une conclusion étonnante : une région bien particulière du cerveau, le cortex cingulaire antérieur subgénual (sgACC), s’active lors d’une action courageuse. Et cette activité, face à une même peur, n’est pas la même chez tous. Les chercheurs ont comparé l’activité cérébrale de plusieurs personnes ayant la phobie des serpents. Et ceux qui parviennent à surmonter leur peur et à saisir un serpent ont une activité cérébrale différente. "Les chercheurs ont remarqué que, lorsque le sgACC était activé, les indicateurs physiques de la peur, comme l’augmentation de la transpiration, avaient tendance à s’atténuer. Cette région du cerveau serait un élément crucial permettant au corps d’ignorer la peur", décrypte Courrier international, relatant l’étude.