Le paysage français s’enrichit encore : une nouvelle forêt va voir le jour à 30 kilomètres de Paris, dans le Val-d'Oise, entre Cergy-Pontoise et la vallée de Montmorency. Et c’est une bonne nouvelle, qui nous incite à nous interroger sur notre rapport aux arbres. Poumons de la planète, les forêts s’avèrent également… une source de bien-être considérable, capables de prévenir également de nombreux maux. C’est le sujet d’un ouvrage surprenant, qui vient d’être traduit en français : "Shinrin-Yoku", l’art et la science du bain de forêt, du médecin immunologiste et chercheur à l’université de Tokyo, Qing-Li.
- "Bain de forêt" : de quoi parle-t-on ?
"Le Shinrin-Yoku (littéralement bain de forêt) signifie se baigner dans l’atmosphère de la forêt ou s’imprégner de la forêt à l’aide de ses sens. Il ne s’agit pas de faire du jogging ou de la randonnée, mais d’être simplement en contact avec la nature, en connexion avec elle, par l’intermédiaire des cinq sens", nous explique l’auteur. Le terme "Shinrin-Yoku" est notamment employé au Japon depuis les années 80, période à laquelle les Japonais se sont passionnés en masse pour les balades et les pauses méditatives en forêt. Depuis, un certain nombre d’études scientifiques sont venues valider l’intuition de millions d’amoureux des arbres : ils nous font du bien.
Dès 1995, les chercheurs Miyazaki et Motohashi ont constaté un lien entre le temps passé en forêt et plusieurs effets sur la santé. Après une pause au milieu des arbres de 40 minutes, à hauteur de deux fois par jour, les sujets voient leur tension artérielle baisser, leur anxiété et leur stress diminuer, leur sensation de fatigue s’atténuer et leur attention se développer. "Depuis, les découvertes vont bon train : diminution du taux de glucose chez les diabétiques, hausse du taux d'immunoglobuline, action réelle sur la dépression", poursuit le journal Les Echos. Certains travaux (sur de faibles échantillons), japonais toujours, évoquent même un renforcement du système immunitaire après un "bain de forêt", l’activité des cellules étant renforcée au contact des arbres.
- Comment en profiter au mieux ?
Le professeur Qing-Li a lui aussi étudié ces effets et codifié une méthode pour profiter au mieux des vertus des arbres : la sylvothérapie, l’autre nom du "Shinrin-Yoku". Dans son ouvrage, il présente la meilleure manière selon lui de plonger dans le "bain", ce qui commence par l’ouverture des cinq sens.
- Par la vue : "remarquez la verdure luxuriante des arbres et les riches bruns du sol sous vos pieds", lit-on dans l’Art et la science du bain de forêt
- Par l’ouïe : "entendez les oiseaux gazouiller et le vent bruissant dans les feuilles des arbres"
- L’odorat : "inhalez le parfum de la forêt, respirez les essences
-Le toucher : "sentez l’air sur votre peau, la chaleur du soleil, placez vos main sur le tronc, allongez-vous sur le sol, mettez-vos mains dans un ruisseau, plongez vos mains dans les feuilles tombées, marchez pieds nus…"
- Le goûter : "faîtes l’expérience de la fraicheur de l’air. Pendant que vous respirez profondément, infusez une tasse de thé d’écorce et buvez dans la forêt".
L’idéal est de trouver un endroit calme, voire plusieurs, au sein d’une vaste forêt. Mais le "bain de forêt", ou la sylvothérapie telle que l’entend le professeur Qing, peut aussi se pratiquer dans un parc. L’essentiel est qu’il y ait des arbres, et que vous puissiez vous poser à côté d'eux, au sol ou sur un banc. L’important est de laisser de côté son téléphone et son appareil photo. Et plus c’est long, plus c’est efficace. "Restez si possible deux heures, même si vous allez ressentir les effets au bout de 20 minutes", nous dit le médecin japonais.
Le but premier est d’apprendre à rester concentrer sur l’instant présent. Vous pouvez, également, agrémenter cette ouverture des cinq sens par quelques exercices :
- Varier les climats ou les sensations (en enlevant votre blouson un moment, par exemple)
- Respirer lentement
- Observer et noter ses émotions avant, pendant, et après votre bain de forêt
- Comment expliquer l’effet des arbres ?
En forêt, l’atmosphère est riche en terpènes ou en phytoncides, des molécules volatiles odorantes produites par les arbres et reconnues pour leurs vertus tonifiantes, décongestionnantes. Accélérant l’activité des lymphocytes ou la sécrétion des sérotonines, ce sont également elles qui apaiseraient nos humeurs et accéléraient notre système immunitaire. À leur côté, agirait aussi un autre "remède des forêts" dégagé par les arbres : le mycobacterium vaccae. "Cette bactérie non pathogène qui se développe dans les sols riches en matière organique pourrait également jouer un rôle en immunothérapie, notamment contre l'asthme allergique, le psoriasis, la dermatite, l'eczéma, la tuberculose et même pour favoriser le bien-être en cas de cancer", explique Ernst Zûrcher, ingénieur forestier suisse et docteur en sciences naturelles, dans Les Arbres, entre visible et invisible (Actes Sud).
Le docteur Li, citant les travaux du biologiste américain Edward Osborne Wilson, confère, en outre, une dimension plus profonde, plus anciennes, à nos liens avec les arbres. "Nous aimons la nature parce que nous avons appris à aimer les choses qui ont concouru à notre survie. Nous sommes à l’aise dans la nature parce que c’est là que les Hommes onb t vécu la plupart du temps depuis leur apparition sur terre. Nous sommes génétiquement destinés à aimer la nature. C’est dans notre ADN", résume le médecin immunologue. Et de conclure : "si nous récoltons les fruits de notre présence dans la nature, notre santé souffre aussi lorsque nous en sommes séparés."