L'étude. Loué par les politiques de tous bords, le Made in France a la cote. Mais consommer du 100% Français serait-il vraiment une bonne idée ? Pas si sûr, répondent deux économistes du très sérieux Centre d’études prospectives et d’informations internationales (le Cepii), dans une étude repérée mardi par Les Echos. D'après eux, même si tous les Français se mettraient à acheter des produits (manufacturés) de fabrication française, le gain pour l'emploi dans l'Hexagone serait loin d'être assuré. Mais surtout, la facture pour les ménages serait alors salée : entre 100 à 300 euros par mois et par ménage.
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Les importations, "décisives" pour le pouvoir d'achat. L'étude établit le surcoût, pour les Français, qu'entraînerait la substitution des biens produits dans des pays à bas coût (l'étude exclut tous les pays développés, sauf la Turquie) par des produits hexagonaux. En clair, si les consommateurs remplaçaient tous ces produits par des équivalents hexagonaux, cela leur coûterait en moyenne et par ménages 3.770 euros par an en plus pour la fourchette haute, et 1.270 euros pour la basse.
"Le propos n'est pas ici d'obtenir un chiffre exact, à supposer que cela soit possible, mais de donner un ordre de grandeur du gain de pouvoir d'achat, de montrer que l'effet n'est pas de second ordre : potentiellement de 100 à 300 euros par ménage et par mois", précise les auteurs. "Ce chiffre très élevé souligne que ces importations jouent un rôle décisif en matière de pouvoir d'achat", commentent-ils. Un rôle qui ne cesse d'augmenter au fil des ans, puisqu'en 2007, le surcout d'une substitution n'aurait été que de 2.500 euros (fourchette haute) ou de 1.000 euros (fourchette basse).
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Comment expliquer l'écart ? La différence entre la fourchette haute et la basse calculée par l'étude s'explique par le fait qu'il n'y a plus forcément d'équivalents en France des produits importés. Un petit sac pour enfants chinois ne peut pas se remplacer par un sac en cuire de luxe français par exemple. De plus, "si la paire de chaussures de sports est deux fois plus chère, les ménages la remplaceront moins souvent". Dans l'hypothèse de la fourchette basse, tous les produits importés ne seraient donc pas systématiquement remplacés par des produits français. Dans le cas de la fourchette haute, les Français remplaceraient leurs produits, mais avec d'autres beaucoup plus chers.
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Quels articles sont concernés ? Le quart du surcoût serait "concentré sur les seuls articles en cuir (comprenant essentiellement les sacs)", observe l'étude. "Le deuxième poste (représentant 10% du total) concerne le petit matériel électrique. Viennent ensuite les vêtements et sous-vêtements, avec chacun 5% du total", poursuivent les auteurs. Dans le détail, les produits qui nous coûteraient plus cher en cas de consommation Made in France seraient les "sacs à main à surface extérieure en feuilles de matières plastiques ou en matières textiles", les "valises et mallettes à surface extérieure en feuilles de matières plastiques ou en matières textiles", les "moniteurs vidéo en couleurs", les "tableaux, peintures et dessins", les "montres bracelets à affichage mécanique" ou encore les "T-shirt en coton pour femmes et fillettes".
De quels pays viennent-t-ils ? Pas moins de 71% du surcoût calculé proviendrait du remplacement par des produits français des seules importations en provenance de Chine. Le Bangladesh arriverait en troisième position derrière la Chine et l'Inde, qui représentent près de 80% du total à eux trois.
Le Made in France, mauvais pour l'emploi ? L'étude ne conclut pas seulement qu'acheter français coûterait plus cher. Selon elle, l'emploi n'y gagnerait pas forcément. "La substitution de produits nationaux aux produits importés augmenterait la dépense sur les produits concernés, ce qui réduirait la consommation de services", prévient l'étude. "Or il est tout à fait possible que le contenu en emplois des services soit plus important que celui des usines robotisées fabriquant les substituts aux biens importés." En clair, pour que l'emploi y gagne, il faudrait en plus remplacer les machines par les hommes. Ce qui ferait probablement encore augmenter le coût.