Face à un mouvement de grève qui ne faiblit pas, Air France a décidé de temporiser. La compagnie aérienne a annoncé lundi qu'elle suspendait la montée en puissance de sa filiale low cost Transavia Europe jusqu'en décembre, le temps de mener des négociations avec ses employés. Mais cette annonce s'accompagne de conditions, si bien que la direction, loin de reculer, tente un coup de poker. Le SNPL, syndicat majoritaire chez les pilotes d'Air France, a annoncé rejeter la proposition de la direction.
La direction recule sur Transavia Europe... "Alexandre de Juniac nous a annoncé l'arrêt de Transavia Europe jusqu'en décembre", a rapporté Mehdi Kemoune, représentant CGT au CCE. Perçu comme la porte ouverte à une "délocalisation" de l'emploi français, le déploiement annoncé en Europe de Transavia va faire d'ici la fin d'année l'objet d'une "négociation avec toutes les catégories de salariés", a précisé Béatrice Lestic, déléguée CFDT.
... mais avance ses pions sur Transavia France. Mais ce geste de conciliation pourrait ne pas satisfaire les pilotes de ligne : car si Transavia Europe est mis entre parenthèse, Transavia France va voir son développement accélérer, comme l'a confié le Pdg d'Air France, Alexandre de Juniac, dans les colonnes du Monde. Sa flotte passerait alors de 14 à 37 avions et si les pilotes de ligne freinent cette montée en puissance, la direction a prévenu : elle dénoncera l'accord qui fixe les règles du jeu chez Transavia. "Lequel prévoit le transfert des pilotes d'Air France chez Transavia sur la base du volontariat et sans perte de revenu", rappelle Le Monde.
En clair, la direction répond aux accusations de délocalisation des pilotes, tout en les mettant au pied du mur en ce qui concerne Transavia France. Et leur envoi un message limpide : la montée en puissance de Transavia France se fera aux conditions de la direction. Quand aux pilotes, ils auront du mal à invoquer l'argument de la délocalisation de l'emploi. Or, depuis le début de la grève, ces derniers exigent de conserver leur contrat actuel, quelle que soit la compagnie pour laquelle ils travaillent.
>> LIRE AUSSI - Grève : les autres compagnies soutiennent Air France
Les syndicats demandent le retrait du projet de Transavia Europe. Lundi après-midi, le SNPL a annoncé rejeter la proposition de développer Transavia France. Le syndicat majoritaire des pilotes d'Air France a parlé d'"une ultime provocation" d'Alexandre de Juniac, PDG du groupe Air France-KLM. Il juge que l'annonce faite par la direction "n'est qu'un écran de fumée qui n'offre pas plus de garanties que les annonces précédentes, et ne résout aucun problème".
Le SNPF demande aussi "le retrait du projet de Transavia Europe". Jean-Louis Barber, président du SNPL, a estimé que "les conditions ne sont aujourd'hui clairement pas réunies pour qu'un projet de cette nature se mette en place dans la sérénité". Cinq autres syndicats, représentant les diverses catégories de personnel d'Air France, ont aussi demandé lundi le "retrait sans condition" du projet de développement en Europe de la low cost du groupe Transavia. Dans un communiqué commun, la CGT, le SNPNC-FO, l'Unac, l'Unsa et Sud-Aérien demandent au gouvernement, actionnaire de la compagnie, de "mettre fin au démantèlement en cours et programmé du groupe Air France".
Visiblement désappointé par cette réaction, Alexandre de Juniac, le patron du groupe, a estimé que "ce conflit, maintenant qu'il n'a plus de raison d'être, devrait s'arrêter". "Demandez au SNPL pourquoi il continue une grève dont les motifs ne sont plus ni clairs ni justifiés", a-t-il lancé devant la presse, rappelant que 1.000 emplois supplémentaires sont à la clef dans l'Hexagone.
La direction d'Air France a précisé sa feuille de route dans un communiqué interne que s'est procuré Europe 1 :
Une grève qui entre dans sa deuxième semaine. Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), majoritaire à Air France, a prolongé son préavis de grève jusqu'au 26 septembre, et le Syndicat des pilotes d'Air France (Spaf) jusqu'au 24 - mais le porte-parole de ce dernier, Julien Duboz, n'écartait pas dimanche une nouvelle prolongation. Les deux syndicats en appellent au gouvernement pour trouver une solution et ont écrit au Premier ministre, Manuel Valls, et à Alain Vidalies.
Les raisons de la grève. Confronté à une baisse de sa rentabilité, Air France a dévoilé jeudi dernier un nouveau plan stratégique, "Perform 2020", qui prend la suite du plan de restructuration "Transform 2015". Ce plan prévoit notamment de développer les filiales low cost, Transavia et Hop !.
Un plan que rejettent les syndicats de pilote. Non seulement les pilotes redoutent que le développement de Transavia fragilise Air France, dans ce qui s'apparente à du "dumping social", mais ils s’opposent surtout au statut des pilotes de cette filiale low cost, qui pourraient être embauchés par des bases à l’étranger sous contrat local. Donc avec des rémunérations inférieures aux confortables salaires des pilotes Air France. Le salaire brut annuel des pilotes d'Air France oscille entre 75.000 et 250.000 euros selon le grade, l'ancienneté et la longueur des vols. Chez Transavia, le salaire varie entre 87.000 et 180.000 euros, selon une source interne.
>> LIRE AUSSI - Air France : pourquoi les pilotes appellent à la grève