La grève continue. Pour la neuvième journée consécutive, les syndicats de pilote de ligne ont fait grève mardi et reconduit leur mouvement pour mercredi. Le bras-de-fer continue donc, bien que la direction de la compagnie aérienne a tenté de faire bouger les lignes lundi, en proposant de repousser le dossier Transavia Europe jusqu’en 2015. Face à ce statu quo, l’État, qui détient 16% de la compagnie, est longtemps resté discret. Mais le gouvernement semble de plus en plus lâcher les pilotes. Décryptage.
Les origines du conflit. Air France perd de l’argent et voit ses concurrents, notamment les low cost, lui grappiller des parts de marché. Après un premier plan de restructuration, baptisé Transform 2015, l’entreprise a dévoilé une nouvelle feuille de route, baptisée Perform 2020. Avec un objectif clair : développer sa propre filiale à bas-coûts,Transavia, pour concurrencer Easyjet, Ryanair, etc.
Sauf qu’un avion Air France coûte deux fois plus cher qu’un low cost, ce qui a conduit la direction à imaginer des sources d’économies. Première hypothèse, embaucher des pilotes étrangers, moins chers, sur des avions basés à l’étranger, au sein de la filiale Transavia Europe. Deuxième hypothèse, demander aux pilotes français de revoir leur contrat pour accepter de travailler plus à salaire constant, au sein de Transavia France, ce qui augmenterait la productivité.
Ce que veulent les pilotes. Ces derniers refusent le recours à des pilotes étrangers, dénonçant un dumping social à peine déguisé. Plus qu’un simple report, ils demandent la suppression pure et simple de Transavia Europe. Reste donc l’option Transavia France, avec des pilotes français aux commandes. Mais à qui il serait demandé d’effectuer plus de vols que chez Air France. Refus net des syndicats pour qui, quelle que soit la compagnie, tous les pilotes du groupe doivent bénéficier d’un contrat unique. Ce qui revient de facto à abandonner les pistes de l’entreprise pour développer le low cost.
Ce que propose la direction. Consciente que l’argument du dumping social lui portait préjudice, la direction a proposé lundi de suspendre jusqu’en 2015 le projet Transavia Europe. Voire de le retirer si aucun accord n’est trouvé avec les syndicats.
Quelle est la position de l’Etat ? Premier actionnaire d’Air France, à hauteur de 15,9% du capital, l’État n’est pas sorti de sa réserve pendant la première semaine de conflit. En coulisses, le secrétaire d'État aux Transports Alain Vidalies s'est d'abord rangé derrière les pilotes, en encourageant la direction à renoncer au projet Transavia Europe.
Mais après l'annonce d'une possible suspension de ce projet de la part de direction, le secrétaire d’État ne semble plus comprendre les raisons de la grève. "Maintenant que ce projet est écarté, que les choses soient claires, il faut que le travail reprenne", a-t-il demandé sur Europe1 mardi après-midi. "La direction a accepté de renvoyer la discussion de Transavia Europe à plus tard. Et si j'ai bien compris, probablement de l'arrêter. Sauf à mettre définitivement la compagnie en péril, je ne vois pas ce que les pilotes attendent pour mettre fin à cette grève", a insisté Alain Vidalies, favorable à Transavia France.
Mardi matin, Manuel Valls s'était déjà exprimé sur le sujet sur Europe 1. Et la position des pilotes était dénoncée à demi-mot. Le Premier ministre a estimé en effet que "cette grève n’a aucune raison (et) doit cesser (…) La direction a fait un certain nombre de nouvelles propositions. Les conditions, me semble-t-il, sont réunies pour que les positions des uns et des autres convergent".
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En revanche, la convergence entre l'Etat et Air France reste à parfaire : un imbroglio s'est produit mercredi matin, le secrétaire d'Etat aux Transports annonçant l'abandon de Transavia Europe avant d'être démenti par la direction d'Air France. Qui en a conclu, sur Europe 1 : "la grève n'est pas terminée, hélas".
L’Etat se retrouve donc à jouer l’équilibriste dans une partie où il n’y a que des coups à prendre : il ne peut ni défendre les pilotes, dont les salaires laissent songeur en temps de crise, ni défendre les projets de la direction de développer l’emploi à l’étranger. Seule certitude, le gouvernement souhaite la fin de la grève et le retour de tous les acteurs autour de la table de négociations.
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