La réforme. Le constat est simple, la branche famille de la Sécurité sociale creuse son déficit, estimé à 2,6 milliards d’euros en 2013, et doit être réformée. Le gouvernement a donc annoncé en décembre 2012 une refonte de la politique familiale et commandé au Haut Conseil de la famille un rapport compilant plusieurs pistes. Ce document, baptisé "rapport Fragonard", est attendu fin mars mais les propositions se multiplient déjà. Tour d’horizon de ces pistes évoquées et des conséquences qu’elles pourraient avoir.
• 1ere piste : fiscaliser les allocations. Les allocations familiales, versées à partir du deuxième enfant (127,05 euros mensuels), sont universelles et donc actuellement versées à tous les foyers, quels que soient les revenus. Pour y introduire plus de progressivité, le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, propose de fiscaliser les allocations, c’est-à-dire de les prendre en compte dans la déclaration d’impôts.
>> Qui serait concerné ? Les 50% des foyers français qui paient l’impôt sur les revenus, c’est-à-dire les classes moyennes et les plus aisées, puisque l’idée serait de mieux cibler les allocations pour les ménages les plus modestes. Mais si les classes moyennes verraient leurs impôts augmenter, les classes les plus aisées pourraient y échapper par le truchement des niches fiscales.
• 2e piste : les réduire à partir d’un seuil de revenus. L’idée a été émise mi-mars par le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée, le socialiste Gérard Bapt : diviser par deux les allocations familiales des ménages aisés. "Les allocations familiales ne seraient pas supprimées, elles seraient seulement réduites. On ne remet pas en question le principe d'universalité", a-t-il tenu à préciser. Si les 20% de ménages français les plus riches voyaient leurs allocations divisées par deux, cela rapporterait 1 milliard d'euros.
>> Qui serait concerné ? Les couples avec deux enfants gagnant plus de 53.000 euros par an et les familles avec trois enfants gagnant plus de 61.000 euros par an.
• 3e piste : réformer le quotient familial. Cet outil fiscal permet de faire varier le montant des impôts en fonction de la taille d’une famille. L’objectif est donc de doper la natalité. Ainsi, un couple avec un enfant peut bénéficier aujourd’hui de 2.000 euros de réduction fiscale par rapport à un couple aux mêmes revenus mais sans enfant. L’idée serait donc de limiter cet avantage.
>> Qui serait concerné ? Il s’agirait une nouvelle fois des ménages imposables et qui comptent des enfants à charge. Parmi eux, les foyers avec un seul enfant seraient les plus pénalisés.
• Une certitude : les Français prêts à une réforme. Les études effectuées depuis le début de l’année vont toutes dans le même sens : les sondés sont favorables à un tour de vis. Selon un sondage Ifop du 16 mars, 66% se disent ainsi favorables à l'idée de réduire ou de supprimer les allocations familiales au-delà d'un certain niveau de revenu. Selon un sondage CSA, 74% y sont favorables, voire 79% selon un sondage Harris Interactive daté de février.
• Mais une avalanche de réformes avortées. Malgré cette adhésion apparente, le gouvernement sait qu’une telle réforme ne se fera pas sans difficultés. Les plus courageux de ses prédécesseurs ont bien tenté de changer les règles du jeu, en vain : Alain Juppé proposait en 1996 de taxer les allocations familiales et Lionel Jospin voulait les mettre sous condition de ressources en 1997. Une piste reprise en 2010 dans le rapport Attali mais que le gouvernement Fillon a immédiatement écartée.