Alstom semble avoir tranché. Le Conseil d'administration du fleuron industriel français a indiqué sa préférence pour l'américain General Electric (GE), en concurrence avec l'allemand Siemens, pour reprendre sa branche énergie. L'enjeu est de taille : celle-ci représente près de trois quarts des activités du groupe, 70% de son chiffre d'affaires et 9.000 emplois en France, sur un total de 18.000. "Alstom étudie l'adossement de ses activités énergie à GE", a indiqué le groupe dans un communiqué. Le Français a reçu une offre ferme de 12,35 milliards d'euros de l'Américain, sans fermer la porte à d'autres offres non sollicitées, notamment celle de l'allemand Siemens.
LES TROIS INFOS A RETENIR
- Alstom étudie la cession de ses activités énergie à GE
- Pendant un mois maximum, d'autres offres peuvent se faire connaitre. Siemens a déjà musclé la sienne.
- Patrick Kron, PDG d'Alstom, accusé de "mensonge" par Montebourg, assure que "l’État aura son mot à dire"
LE CALENDRIER
"Le conseil d'administration (...) a décidé de mettre en place un comité d'administrateurs indépendants (...) pour procéder, d'ici à la fin du mois de mai, à un examen approfondi de l'offre de General Electric", a fait savoir Alstom mercredi. S’ouvre désormais une période d’environ un mois pendant laquelle General Electric sera tenu par son offre. En clair, Alstom n'aura pas le droit de démarcher d'autres acquéreurs potentiels. En revanche, le géant industriel français pourra examiner toute proposition alternative qui lui serait faite.
LES CONCURRENTS
Les promesses de GE. Dans une lettre adressée mardi au président de la République, General Electric a fait part de sa volonté de créer "un leader mondial de l'énergie en France". L'Américain assure vouloir "accroître l'emploi en France", avec des "emplois hautement qualifiés". Surtout, le dirigeant de l’entreprise promet d'implanter quatre centres de décisions mondiaux de la société dans l'Hexagone.
Siemens muscle son offre. L’entreprise française pourrait ainsi se laisser séduire par une potentielle nouvelle offre de Siemens qui, juste avant le conseil d'administration d'Alstom, a confirmé officiellement son intérêt mardi. L'Allemand évalue dans une fourchette de 10,5 à 11 milliards d'euros les activités énergie d'Alstom. Il propose de lui céder, en plus de ses trains à grande vitesse, son activité dans les métros, et de prendre une part allant jusqu'à 19% de ce groupe de transports nouvellement constitué.
Siemens maintient également sa garantie de ne procéder à aucun licenciement dans les trois ans ni en France ni en Allemagne, malgré les doublons de postes qu'une fusion entraînerait. Enfin, le groupe industriel allemand se dit prêt à prendre à sa charge les risques liés aux éventuelles exigences des autorités de la concurrence.Le groupe munichois, qui n'a reçu de réponse de la part du Français à aucun de ses courriers, se dit toutefois "déçu du manque de coopération" du patron d'Alstom, Patrick Kron.
LE RÔLE DE L’ÉTAT
Hollande vigilant. Le chef de l’État a voulu prendre les choses en main dans le dossier. François Hollande sait qu’Alstom a été le succès de Nicolas Sarkozy, en 2004, et il fera tout pour que ce ne soit pas perçu comme son échec. Lundi, il a ainsi reçu à l’Elysée le patron de General Electric, de Siemens et l’actionnaire d’Alstom, Martin Bouygues. Dès jeudi, le conseiller économique du président, Emmanuel Macron, avait reçu le patron d’Alstom discrètement, en urgence. Le président ne se dit officiellement fermé à aucune offre, mais sera vigilant sur les garanties en termes d'emplois. Et préférerait tout de même une solution européenne.
Rachat d'Alstom : Arnaud Montebourg mis au...par Europe1frMontebourg turbulent. Arnaud Montebourg, de son côté, s'en est pris avec virulence au PDG d'Alstom, qu'il a accusé d'avoir délibérément caché à l'exécutif les discussions en cours avec GE. "Depuis le mois de février, j'interroge Monsieur Patrick Kron, président de cette entreprise qui est notre fleuron national. Et Monsieur Patrick Kron, alors que je l'ai interrogé dûment, solennellement et sérieusement, m'a toujours dit qu'il n'avait aucun projet d'alliance", a-t-il lancé mardi à l'Assemblée lors des questions au gouvernement. "Est-ce que le ministre de l'Economie doit aller installer un détecteur de mensonges dans son bureau? Pour les présidents du CAC 40 qui n'ont pas le civisme élémentaire d'avertir leur gouvernement?", a-t-il renchéri. "Ce n'est pas plié. Nous avons été entendus. Nous avons un mois pour décider", s'est-il ensuite félicité mercredi, se réjouissant d'avoir un mois supplémentaire pour étudier le dossier.
Valls content. Le Premier ministre Manuel Valls s'est également réjoui de ce délai d'un mois. Le gouvernement "a été entendu", estime-t-il. "L'accélération brutale de ces derniers jours n'était pas acceptable. Aucune discussion exclusive (...) avec GE n'a été décidée. Et Alstom se donne un mois pour analyser les différentes options et se concentrer sur ce sujet-là et se concerter avec nous", s'est-il réjoui.
Que peut faire l’État ? Depuis 2005, la France dispose d’un mécanisme pour protéger ses entreprises stratégiques d’appétits étrangers. L’autorisation de rachat du ministre de l’Economie pourrait être accordée sous réserve que l’entreprise respecte certains engagements comme le maintien de la fourniture d’équipements pour le ministère de la Défense, la pérennité de l’activité ou la préservation de certaines compétences indispensables à l’exercice d’une activité cruciale pour “l’intérêt national”. Le dossier Alstom est donc loin d'être bouclé.
L'INFO - Alstom accepte l'offre de General Electric mais...
DÉCRYPTAGE - L’Etat français peut-il empêcher le rachat ?
ANTISÈCHE - Rachat d'Alstom : qui veut quoi ?
L'INFO POLITIQUE - Hollande met Montebourg de côté