Anne Lauvergeon, qui va quitter Areva, est devenue, en plus de 10 ans à la tête du géant du nucléaire, l'une des femmes les plus puissantes du monde, faisant du groupe public français l'un des leaders mondiaux du secteur. Sa reconnaissance internationale et son aura médiatique lui ont valu le surnom d'"Atomic Anne". Elle n'aura pourtant pas pu garder sa place comme elle le souhaitait en raison, notamment, des mauvaises relations qu'elle entretient avec Nicolas Sarkozy.
Le poulain de Mitterrand
L'ancienne sherpa de François Mitterrand était la seule femme à la tête d'une multinationale française. En août 2009, elle figurait encore à la 9e place du classement Forbes des femmes les plus puissantes du monde. Elle s'est depuis fait rétrograder en 24e position, mais est toujours la 1ère française du classement. Née le 2 août 1959 à Dijon d'un père professeur et d'une mère assistante sociale, Anne Lauvergeon étudie à l'Ecole normale supérieure et à l'Ecole des Mines et décroche l'agrégation de physique à 21 ans. Sa carrière décolle en 1990, à l'âge de 30 ans : elle fait alors son entrée à l'Elysée en tant que chargée de mission pour l'économie internationale.
Vite repérée par François Mitterrand, elle devient huit mois plus tard secrétaire général adjoint de l'Elysée et représentante personnelle du président lors des sommets internationaux (sherpa). Avec l'élection de Jacques Chirac en 1995, Mme Lauvergeon retourne dans le privé, d'abord chez Lazard Frères à New York, puis en tant que directrice générale adjointe d'Alcatel Télécom. Deux courtes expériences où on la dit peu satisfaite de ne pas être traitée à sa juste valeur.
Un début à la Cogema
"Elle n'a jamais supporté d'être numéro 2", avait confié son père à L'Expansion. En 1999, alors que la gauche est revenue au pouvoir, elle se voit justement confier un poste de numéro 1, à la Cogema. "A l'époque, la Cogema était l'entreprise la plus détestée de France et il n'y avait pas forcément foule de candidats", racontera-t-elle dix ans plus tard, pour expliquer pourquoi un "pays aussi macho que la France" avait choisi une femme pour diriger son industrie nucléaire.
En fusionnant Framatome et la Cogema en 2001, elle crée un leader mondial du nucléaire, présent dans tout le cycle, de la mine d'uranium au retraitement des déchets nucléaires, en passant par la construction de centrales.
Une communicante qui dit non
Excellente communicante, Anne Lauvergeon soigne son image dans l'opinion publique et joue de la vague écolo en vantant le nucléaire comme une énergie "sans émission de CO2". Les députés sont sous le charme et louent son "talent" (Christian Bataille, PS), une "grande présidente" (François-Michel Gonnot, UMP) ou une "belle mécanique intellectuelle" (Claude Gatignol, UMP). Certains critiquent cependant le "manque de souplesse" de "Madame Non", qui ne craint les conflits ni avec son actionnaire principal, l'Etat, ni avec ses clients, qu'il s'agisse d'EDF ou du finlandais TVO.
"La capacité d'écoute d'Anne Lauvergeon n'est pas aussi bonne que sa capacité à parler", regrettait ainsi Timo Rajala, vice-président de TVO, pour qui Areva construit son premier réacteur EPR en Finlande. Ses dernières années de présidence ont de fait été essentiellement marquées par ses différends avec le président Nicolas Sarkozy et le patron d'EDF Henri Proglio.