L’info. Phénomène sous-terrain par définition, la corruption reste difficile à étudier et à quantifier. L'organisation Transparency International publie donc chaque année un index annuel sur la perception de la corruption dans les affaires publiques (partis politiques, police, système judiciaire et services publics). Dans l’édition 2013, publiée mardi, la France conserve sa 22e place (sur 177), ce qui la fait figurer dans le groupe de tête, mais dans le ventre mou des pays européens (13e). A l’opposé, la Danemark a conservé son leadership dans la lutte contre la corruption.
Le Danemark, un modèle. Cette année, le Danemark et la Nouvelle-Zélande, premiers ex-aequo, sont considérés comme les pays les plus honnêtes. Et ce n’est pas une nouveauté pour les Danois : ils étaient premiers du classement en 2008, 2010 et 2012, et second en 2009 et 2011. Bref, ce pays est un modèle en la matière, mais comment fait-il ? Europe1.fr a épluché les rapports de Transparency International et posé la question à Anne Koch, directrice régionale de l’ONG en charge de l’Europe.
LES INGRÉDIENTS DE LA RÉUSSITE DANOISE
Des institutions fortes. "Nous avons consacré en 2012 un rapport qui se concentrait sur le système national d’intégrité du Danemark. Il en ressortait que l’action de ce pays était très positive. Il y a dans ce pays un contexte institutionnel très, très fort. Sans oublier l’existence d’un médiateur publique (Ombudsmand) et d’un National Audit Office (chargé de surveiller la gestion de l’argent public) qui participent à ce bon fonctionnement", souligne-t-elle. Avant d’ajouter que les ONG y jouent également un important rôle de courroie de transmission entre la société civile et l’Etat.
Des moyens pour faire appliquer les lois. "Les Danois ont des ressources financières et humaines suffisantes pour permettre à ces institutions de faire leur travail, que ce soit la police, la justice. Dans de nombreux Etats où la corruption règne, vous avez souvent de très bonnes lois mais aucun moyen pour les faire appliquer", rappelle Anne Koch. Ce que pointe également le rapport Système national d’intégrité consacré en 2012 à la France : notre "budget ‘justice et sécurité’ s’élève à 1,2 % du PIB, la moyenne étant de 1,8 % dans l’Union européenne".
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Une justice réellement indépendante. Mais même avec des effectifs et des moyens financiers suffisants, la justice peut se montrer conciliante avec les fautifs. Surtout lorsque le pouvoir politique use de son influence, comme c’est le cas en France, où les procureurs sont sous l’autorité directe du ministère de la Justice. "La justice doit être indépendante du pouvoir politique pour faire son travail correctement, ce qui est le cas au Danemark", souligne donc Transparency International.
Une culture de la transparence. "La transparence permet aux citoyens de garder un œil sur ce qui se passe et s’assurer que les élus travaillent pour le bien de la collectivité", rappelle Anne Koch. Et cette dernière de lister plusieurs outils pour favoriser la transparence : la publicité des lobbies qui tentent d’influencer les politiques, l’accès aux données publiques mais aussi les déclarations d’intérêts, voire de patrimoine. "Les déclarations d’intérêts jouent aussi un rôle. Quand un parlementaire a auparavant siégé au conseil d’administration d’une grande entreprise minière, cela doit se savoir. Si ce dernier prend des décisions qui portent sur le secteur minier, le risque de conflit d’intérêt devient alors public. La transparence est donc utile, surtout en ces temps où les citoyens ont une confiance très limitée dans leurs élus", souligne Anne Koch.
Et des médias qui y participent. Les journalistes participent également à la transparence d’un régime et "au Danemark l’information est traditionnellement bien plus transparente qu’ailleurs", rappelle Anne Koch. Un constat confirmé par le rapport Système national d’intégrité consacré en 2012 au Danemark : "Les médias jouent un rôle central. De nombreux cas de fraudes présumées ont été révélés par les médias, avant que les autorités compétentes ne s’emparent du sujet. (…) Mais ce pilier de l’intégrité est l’un des plus fragiles : selon notre baromètre de la corruption 2010, les médias sont considérés comme la deuxième institution la plus corrompue, après les partis politiques et le secteur privé, qui se partagent la première place".
Des élus exemplaires. La plus ou moins grande tolérance vis-à-vis de la corruption est aussi une affaire de culture, que les élus contribuent à façonner. "Le dernier élément pour réconcilier le monde politique et les citoyens est tout simplement que les élus aient un comportement conforme à la légalité. En ce qui concerne la France, la démission du ministre du Budget Jérome Cahuzac est révélatrice", pointe Anne Koch.
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Et une affaire de contexte. Au-delà de tous ces garde-fous institutionnels, la lutte contre la corruption dépend aussi de la bonne santé d’un pays. La crise économique renforce les égoïsmes et favorise les pratiques illégales. "Jusqu’à récemment, le Danemark a été extrêmement prospère ce qui eu une influence sur sa culture politique, traditionnellement ouverte et tolérante. Ce n’est plus tout à fait le cas depuis peu et on peut s’interroger sur les conséquences que cela peut avoir sur les institutions danoises", souligne Anne Koch. A ce titre, la dégringolade de l’Espagne dans le classement n’est pas sans rapport avec la sévère crise qui touche le pays depuis 2008.
Pour rappel, le classement de Transparency International :
1. Danemark
Nouvelle-Zélande
3. Finlande
Suède
5. Norvège
Singapour
7. Suisse
8. Pays-Bas
9. Australie
Canada
...
22. France
…
168. Syrie
Turkménistan
Ouzbékistan
171. Irak
172. Libye
173. Soudan du Sud
174. Soudan
175. Afghanistan
Corée du Nord
Somalie