Austérité : l’Europe commence à douter

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avec Isabelle Ory, correspondante d'Europe 1 à Bruxelles , modifié à
Le président de la Commission européenne estime nécessaire d’entamer un rééquilibrage.

La déclaration. L’air de rien, le président de la Commission européenne a opéré lundi un virage sémantique lourd de sens en pleine crise de la dette. "Les politiques actuelles (d’austérité, ndlr) ont atteint leurs limites à bien des égards, car leur succès ne dépend pas uniquement de la manière dont elles sont conçues. Il doit y avoir un minimum de soutien politique et social", a reconnu José Manuel Barroso, lundi pendant un colloque.
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Des réactions immédiates. D’apparence anodine, cette déclaration a rapidement été interprétée comme un changement de cap. "M. Barroso est enfin sorti d'un coma de cinq ans et a reconnu que l'austérité imposée en Europe et dans les pays les plus touchés par la crise était contreproductive", n'a pas tardé à se féliciter le groupe des socialistes au Parlement européen. La réaction des gardiens de l'orthodoxie a été tout aussi rapide : "si nous laissons tomber la politique d'assainissement budgétaire, si nous retournons à l'ancienne politique qui consiste à créer de la dette, cela ne fera que faire le lit du chômage de masse en Europe pour de nombreuses années", a réagi le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle.

Le dilemme. Economistes et gouvernements tentent depuis 2008 de trouver la réponse à une épineuse énigme : comment réduire la lourde dette des pays européens sans tuer la croissance ? Pour les partisans de la rigueur, principalement l’Europe du Nord, les efforts d’aujourd’hui sont la promesse d’une croissance plus forte demain. Pour ses détracteurs, qu’on retrouve surtout parmi les Etats d’Europe du sud, l’excès d’austérité freine l’activité, et donc les rentrées fiscales, aggravant un peu plus la dette des Etats et hypothéquant un peu plus leurs espoirs d’une croissance retrouvée.

Quelle conséquence ? Concrètement, la déclaration de José Manuel Barroso ne change pas grand-chose, mais elle en dit long sur le rééquilibrage en cours au sein de l’Union européenne.

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Longtemps partisane d’un sérieux tour de vis budgétaire, la Commission a pris acte du virage entamé par certains pays. Les Pays-Bas, grand apôtre de l’austérité, ont ainsi suspendu le 12 avril 2013 un nouveau plan de rigueur qui risquait, à leurs yeux, de se révéler contre-productif. Et cet appel à faire une pause est désormais repris à l’extérieur de l’UE : le Fonds monétaire international recommande à son tour plus de souplesse tandis que les Etats-Unis redoutent "une fatigue de l'austérité" sur le Vieux continent.

• Premier indice fin mai. Ce virage sémantique va-t-il pour autant se traduire par des actes ? Les Etats-membres pourront très bientôt en juger, lorsque la Commission européenne fera fin mai ses traditionnelles recommandations aux 27 Etats membres en matière de réduction des déficits et de réformes structurelles. Si on en croit le changement de ton de José Manuel Barroso, certains pays pourraient alors se voir accorder un délai supplémentaire pour atteindre leurs objectifs de réduction des déficits.