L'INFO. Le gouvernement a-t-il reculé face aux poussins, ces auto-entrepreneurs vent debout contre le projet d'encadrement de leur statut ? Le texte de loi concocté par la ministre du Commerce et de l'Artisanat Sylvia Pinel, prévu pour livraison en conseil des ministres le 21 aout, semble en tout cas moins ambitieux que prévu : le seuil de chiffre d'affaires, en dessous duquel un auto-entrepreneur pourra garder son statut sans limite de temps, a disparu, révèle mardi le journal Les Echos.
Quel est ce projet ? L'exécutif veut limiter dans le temps le statut des auto-entrepreneurs, un régime fiscalement très avantageux et qui fait de la concurrence aux entreprises classiques. Au départ, l'Elysée planchait sur une limitation dans le temps pour ceux dont le chiffre d'affaires dépasse les 10.000 euros annuels dans les services (au lieu de 32.600 aujourd'hui) et le cap des 27.000 euros pour les commerçants (81.500 aujourd'hui). Puis, mi-juin, après plusieurs arbitrages, le gouvernement a tranché et opté pour les seuils de 19.000 euros et 47.500. Au-dessus des seuils, déjà fortement revus à la hausse, les auto-entrepreneurs auraient dû, au bout de deux ans, transformer leur activité en entreprise classique. Mais ces seuils ont finalement étaient effacés du projet.
Une énième reculade ? Techniquement, la non présence d'un seuil dans le texte de loi ne constitue pas un problème. "Juridiquement, il (le seuil) n'a pas à être dans la loi, un décret suffit", précise en effet Les Echos. Le gouvernement pourra donc fixer à son aise un nouveau seuil une fois la loi votée. Mais, alors que le seuil de 19.000 euros semblait avoir été définitivement fixé en juin, c'est ce nouveau flou qui apparaît comme une surprise et une reculade. "Le seuil, dont le principe est maintenu dans le projet de loi, n'est plus considéré comme un des marqueurs par Matignon et n'est plus chiffré", commente ainsi le journal économique. Au grand dam des artisans. "Ce texte marque une avancée, mais très insuffisante, ce n'est qu'une étape qui mérite d'être approfondie", juge ainsi Alain Griset, président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers.
Les auto-entrepreneurs restent prudents. "Le fait que les seuils ne soient pas traités dans le projet de loi suscite beaucoup d'inquiétude chez les auto-entrepreneurs. Car (ils) seront fixés par décret en évitant un maximum le débat", a confié mercredi, au micro d'Europe 1, Ludovic Badeau du collectif de défense des auto-entrepreneurs. "C'est peut-être un moyen pour Sylvia Pinel de faire passer son projet de loi de façon plus simple avec moins de revendication, espérait-elle peut-être. Mais il n'en est rien car nous ne voudrions que cette façon de ne pas mettre les seuils dans ce projet de loi soit une façon de duper les auto-entrepreneurs en faisant ensuite par décret des seuils absolument inacceptables. Nous restons donc évidemment prudents", a-t-il ajouté.
Pourquoi le gouvernement reculerait. Le gouvernement a peut-être à cœur de ne pas tirer une balle dans le pied aux 900.000 auto-entrepreneurs français, en ces temps de panne économique. Fin juillet dernier, une étude du réseau mondial d'audit RSM nous apprenait que la France était l'un des pays leaders de la création d'entreprises… notamment grâce aux auto-entrepreneurs. Et en avril, l'Inspection générale des affaires sociales et celle des finances révélaient dans un rapport que ce statut ne faisait pas une concurrence si rude que ça aux artisans. "Ils se positionnent de manière préférentielle sur des micromarchés délaissés par les autres entreprises. Il n'y a pas de redondance, mais plutôt complémentarité avec les autres régimes", écrivait le document.
Table ronde mi-septembre. Pour s'épargner une nouvelle fronde des auto-entrepreneurs, les pouvoirs publics ont donc décidé de résoudre cette question à l'amiable. Le gouvernement a donc demandé au député Laurent Grandguillaume de réunir artisans et auto-entrepreneurs autour de la table mi-septembre pour trouver une solution qui les satisferait tous et que l'on pourrait ensuite instaurer par décret.
Le texte va-t-il évoluer à l'Assemblée ? Une commission parlementaire travaillera à la rentrée sur le thème de "l'entrepreneuriat individuelle". Parmi les pistes de réflexion : une séparation entre activité et métier. En clair, il s'agira de bien délimiter la différence entre les activités nécessitant de la main d'œuvre qualifiée, méritant le statut d'artisanat, et le reste.