Comment obliger les sociétés gestionnaires des autoroutes à baisser leurs tarifs ? Le gouvernement tente de trouver depuis des semaines la bonne formule mais peine à trouver la solution, tant les gestionnaires d'autoroutes ont pris le soin de se couvrir par des contrats très précis. Du côté des députés, la mission d'information sur les autoroutes s'est aussi penchée sur ce problème et ses conclusions sont radicales : l'Etat ferait mieux d'opter pour la "dénonciation des contrats en cours" et ce "très vite".
Pas d'autres solution face à la "mécanique implacable". Le rapporteur de la mission d'information sur les autoroutes, le député PS Jean-Paul Chanteguet, a préconisé mercredi une "dénonciation des contrats en cours" liant l'Etat et les sociétés concessionnaires et exhorté le gouvernement à "agir très vite", en présentant ce rapport en commission à l'Assemblée nationale.
Jean-Paul Chanteguet a souligné qu'une telle disposition était possible au nom de l'intérêt général pour s'extraire de ce qu'il a appelé la "mécanique implacable" actuelle. Car les contrats de concessions ont été définis de telle manière qu'une modification est très difficile. Et, pour tout changement, les sociétés d'autoroute réclament en échange un rallongement de leur concession. Une solution pas vraiment idéale aux yeux de l'Etat, qui soupçonne les sociétés d'autoroute de dégager des profits supérieurs à la moyenne, l'Autorité de la concurrence allant, elle, jusqu'à parler de "rente". A priori, le gouvernement n'a donc pas intérêt à prolonger la situation.
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Casser les contrats ne serait pas synonyme de nationalisation. De prime abord, annuler les contrats de concession des autoroutes reviendrait à renationaliser le réseau. Une arme fatale à laquelle les sociétés d’autoroutes ne croient pas vraiment : une telle opération coûterait une fortune, d’autant qu’il faudrait dédommager les exploitants. "Ecomouv, c’était une plaisanterie à 1 milliard d’euros. Là, on parle d’au moins 40 milliards !", prévenait lundi l’un des représentants des sociétés d’autoroutes. Le rapport parlementaire estime, lui, ce montant entre 25 et 30 milliards d'euros.
Une facture qui pourrait être même bien plus allégée puisque le rapporteur Jean-Paul Chanteguet estime qu'une résiliation des contrats pourrait ne pas se traduire par une nationalisation : l'annulation du contrat devrait, à son sens, être suivie par une "renégociation intégrale" avec les sociétés "sur la base de cahiers des charges refondus". Et si cela ne fonctionne pas, le député PS préconise de confier la gestion des autoroutes à un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) ou à une régie. La nationalisation serait donc la solution de dernier recours.
Une dernière hypothèse qui n'est pas du goût de certains membres de la mission d'information sur les autoroutes. Le député UMP Yves Nicolin n'a donc pas tardé à rejeter les conclusions de Jean-Paul Chanteguet, affirmant : "Nous ne pouvons pas valider un rapport qui est essentiellement à charge".
Les sociétés d'autoroute n'y croient pas. Cette menace, les gestionnaires d'autoroute ne la prennent visiblement pas au sérieux. A commencer par le groupe espagnol d'infrastructures Abertis, gestionnaire des autoroutes françaises Sanef. "Nous n'avons aucun doute que l'Etat français va respecter ses engagements dans les contrats de concession d'autoroutes", a réagi son directeur général, Francisco Reynes.
Tout modification "ne saurait se faire sans le Parlement". Après avoir reçu ce rapport, le président de l'Assemblée nationale n'a pas tardé à réagir. Claude Bartolone a souhaité que le Parlement débatte de la question des concessions autoroutières "avant toute décision du gouvernement" sur le plan de relance autoroutier en cours de négociation.
Et ce dernier d'ajouter : "si le seul outil de l'Etat pour changer le rapport de force, si la seule façon de rééquilibrer les relations de ce triptyque Etat-usagers-sociétés privées si bancal aujourd'hui, si le seul moyen de pouvoir réviser les relations contractuelles entre l'Etat et les sociétés d'autoroutes, est la dénonciation par anticipation et la résiliation, pourquoi se l'interdire?"