L’INFO. Dix milliards de dollars (soit quelques 7,3 milliards d’euros), c’est la somme que réclament les Etats-Unis à BNP Paribas, selon le Wall Street Journal. La justice américaine reproche à la banque française d’avoir utilisé des dollars dans des échanges internationaux avec des pays sous embargo américain entre 2002 et 2009. Le ministère de la Justice outre-Atlantique pourrait également révoquer la licence qui autorise la banque à travailler sur son sol. Alors que Barack Obama et Français Hollande devraient évoquer le sujet lors des commémorations du débarquement américain en Normandie en fin de semaine, la France s’inquiète des conséquences que cette condamnation pourrait avoir sur toute l’économie européenne. Un scénario du pire dont la potentielle condamnation de la BNP n’est que la première étape.
Une amende XXL. Ce que réclament les Etats-Unis à la banque française constitue une somme énorme. Une telle amende entrerait même directement en seconde position des condamnations les plus lourdes de l’histoire outre-Atlantique, juste derrière celle de 13 milliards de dollars infligée à la banque JP Morgan pour son rôle dans la crise des subprimes.
Sachant que la BNP a dégagé 1,7 milliard d’euros de bénéfices au premier trimestre 2014, l’amende américaine engloutirait mathématiquement l’équivalent de tout l’argent gagné pendant l’année. La banque française, qui a déjà mis de côté environ 1,1 milliard de dollars, pourrait donc s’acquitter de l’amende... mais cela lui ferait extrêmement mal.
Pour atténuer la condamnation, BNP Paribas a décidé de plaider coupable et tente de négocier avec la justice américaine pour revoir à la baisse l’amende potentielle. Plusieurs responsables français ont d’ailleurs fait le voyage outre-Atlantique ces derniers mois pour plaider la cause de la BNP, selon le New York Times. Le quotidien américain souligne d’ailleurs que ce travail en coulisses commence à porter ses fruits puisqu’on parlerait désormais plutôt d’une amende de huit milliards de dollars.
Un bannissement des Etats-Unis. L’autre arme brandie par la justice américaine a également de quoi donner des sueurs froides à la BNP. Le régulateur de l’économie américaine pourrait en effet lui retirer sa licence d’exploitation sur le sol des Etats-Unis, l’équivalent d’une “peine de mort à Wall Street”, selon les mots du New York Times.
Il faut dire que cela mettrait un coup d’arrêt à la politique de développement de la banque française en Amérique du Nord. En 2013, la BNP a tiré 10% de ses revenus dans la région et espère augmenter cette part à 12% d’ici 2016.
Autre problème : le retrait de sa licence risquerait de lui faire perdre de nombreux clients. La BNP n’a que des activités de banque d’affaire outre-Atlantique. Mais elle fait partie des rares banques européennes à avoir le droit d’émettre des obligations en dollars. On lui retire ce droit et c’est un grand nombre d’acteurs institutionnels et de grandes entreprises qui partiront à la concurrence. Selon les informations d’Europe 1, la crainte fait d’ailleurs déjà effet puisque certains gros clients, notamment chinois, ont commencé à geler des opérations internationales en dollars qui devaient être pilotées par la banque française.
BNP… et tous les autres. Mais la BNP n’est peut-être que l’arbre qui cache la forêt dans cette histoire. Quand elle sera passée à la caisse, ce pourrait être au tour de toutes les autres, l’Allemande Deutsche Bank, l’Italienne Unicrédit et les Françaises Société Général et Crédit Agricole, car toutes ont eu des activités jugées interdites par les Etats-Unis.
Si la BNP est pour l’instant la seule à se débattre avec la justice américaine, c’est parce qu’elle est la plus importante en Europe. Les autorités judiciaires américaines pourraient donc utiliser cette procédure comme maître étalon pour les futures négociations avec les autres acteurs.
Problème : si la banque française pourrait résister au choc que représente l’amende, ce n’est pas du tout le cas des autres. Depuis que la BNP a plaidé coupable, les négociations concernant ce à quoi elle va être condamnée (hauteur de l’amende, temps de l’interdiction de licence) n’ont pas de rapport avec ce qu’elle est capable de payer. Par contre, la justice américaine pourrait utiliser le résultat de la négociation comme maître étalon pour les négociations avec les autres acteurs. Concrètement, si la BNP venait à devoir payer dix milliards de dollars, il n’y aurait aucune raison que les autres n’aient pas à payer autant, ce qu’elles ne seraient pas capables de faire.
Le début d’une affaire d’Etat. Le cas BNP regarde donc les principaux acteurs de la finance européenne. “La BNP est la première banque de la zone euro, c’est devenu le problème de la zone euro”, a d’ailleurs confié un membre du gouvernement à Europe 1. Le sous-entendu est clair : s'il faut menacer de geler les accords de libre échange en cours entre Etats-Unis et Europe, on le fera.
A l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet et Emmanuel Macron, ancien banquier et conseiller économique de François Hollande, gèrent au quotidien le dossier depuis quinze jours. Du côté politique, on a demandé à Laurent Fabius et Michel Sapin, deux poids lourds politiques, de prendre le dossier en main médiatiquement. Parallèlement, on a demandé à Arnaud Montebourg de rester en dehors, car trop mal vu par les banquiers et par Wall Street.
LES FAITS - Les Etats-Unis réclament plus de 10 milliards de dollars à BNP Paribas
DECRYPTAGE - Pourquoi la BNP risque une amende record aux Etats-Unis