La déclaration. "Quand vous lisez les recommandations de la Commission européenne qui sont sorties le 29 mai, ça pourrait être le programme du Medef !" La phrase est signée Denis Kessler, PDG de SCOR et ancien vice-président du Medef, invité mardi matin d'Europe1. L'entrepreneur saluait ainsi le "retour à plus de sagesse" et "l'évolution positive" du gouvernement français, impulsé, selon lui, sous la pression de Bruxelles. L'exécutif "n'avait pas le choix" de mettre en place des réformes favorables aux entreprises, estime Denis Kessler, car elles étaient souhaitées par Bruxelles.
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Ce que propose la Commission… Denis Kessler fait notamment référence aux "recommandations" transmises le mois dernier par Bruxelles à la France, dans un document censé servir de feuille de route pour remettre l'économie française sur les rails. La Commission appelle à des mesures dès cette année pour ramener les comptes à l'équilibre "pour 2020 au plus tard", en se concentrant notamment sur les dépenses publiques. La France est ainsi sommée d'engager des "réformes structurelles d'importance" rapidement, à commencer par celle de son système de retraites.
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Aux yeux de la Commission, Paris doit ainsi "adapter les règles d'indexation des pensions, les âges minimum et de taux plein, la période de contribution et les régimes spéciaux" tout en "évitant d'augmenter les contributions des employeurs". En clair : il faut renflouer les caisses sans pénaliser les entreprises. La Commission européenne recommande également à la France de simplifier son système fiscal, d'abaisser le coût du travail ou encore d'accroître la concurrence dans le secteur des services.
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…"en cohérence avec ce que propose le Medef". "Le programme du Medef n'est pas très clair, en ces temps d'élection à la présidence. Mais il y a effectivement une cohérence avec celui de Bruxelles, c'est assez proche", décrypte pour Europe1.fr Philippe Waechter, directeur des études économiques chez Natixis. Baisse du coût du travail, réduction des dépenses publiques, allongement de l'âge de départs à la retraite et de la durée de cotisation… Chaque candidat à la présidence défend des exigences communes à celles de la Commission.
En outre, les propositions avancées par le syndicat des patrons pendant la campagne présidentielle allaient tout à fait dans le sens de Bruxelles… tout en étant plus détaillées : baisse des cotisations "salariés" compensée par une hausse de la CSG, baisse des cotisations "employeurs" compensée par une augmentation de la TVA, non remplacement de deux départs sur trois de fonctionnaires partant à la retraite etc. En clair, il s'agit là aussi de réduire drastiquement les déficits tout en allégeant les entreprises, aux dépens des dépenses publiques et de la consommation.
Pourquoi un tel rapprochement ? "La Commission veut répondre aux inquiétudes des entreprises en prônant un cadre législatif et fiscal plus stable. Elle veut que les entreprises puissent se projeter dans l'avenir", résume l'économiste Philippe Waechter. Et de poursuivre : "Bruxelles a compris que la relance ne se fera pas par la consommation. Elle pense, comme le Medef, que les entreprises sont au cœur d'une dynamique de reprise, et qu'il faut améliorer la concurrence pour que cette dynamique soit robuste".
Un enjeu politique. La comparaison risque en tout cas d'aggraver les affaires du gouvernement, qui fait face à une rude division de sa majorité sur le sujet. Elle pourrait, en effet, être réutilisée par la gauche de la gauche, qui ne se prive pas d'attaquer l'exécutif pour son obéissance présumée aux exigences libérales de Bruxelles et du syndicat patronal. "Après le Medef, qui veut contrôler le budget et les lois de notre pays, c’est maintenant au tour de Bruxelles de bafouer la souveraineté du parlement français. Résultat : la France est sommée d’appliquer la potion ultralibérale de la commission", avait taclé Martine Billard, co-présidente du Parti de Gauche, dans un communiqué du 29 mai dernier. "La France va respecter ses engagements. C'est à nous et à nous seuls de dire quel sera le bon chemin pour atteindre l'objectif", a, pour sa part, répondu François Hollande fin mai. Suffisant pour convaincre sa majorité ? Pas sûr…
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