L'INFO. "De toutes les grandes batailles que le Parlement a menées, celle-ci est sans doute la plus importante", a estimé mercredi l'eurodéputé libéral, belge, Guy Verhofstadt, cité par Le Monde. La "grande bataille" dont il est question ? Le rejet, par les députés européens, de l'accord passé entre les dirigeants des Vingt-Sept pays membres, sur le budget de l'Union européenne, pour la période 2014-2020. Accord pourtant trouvé in extremis début février, après l’échec d'un sommet en novembre sur le même sujet, et qui prévoit de baisser, pour la première fois, les dépenses de l'Union.
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Une fronde massive. Ce rejet de l'accord par le Parlement européen n'a qu'une valeur déclarative. Mais il annonce la position du Parlement, dans les négociations qui vont s'ouvrir avec le Conseil européen. Le vote de ce mercredi met même une pression considérable aux gouvernements, car les parlementaires européens pourront, en dernier recours, utiliser leur droit de véto s'ils ne sont pas satisfaits. Et la large majorité obtenue montre que cette menace de veto est bien réelle et dépasse les clivages droite gauche. La résolution visant à rejeter l'accord, présentée par le Parti populaire européen (PPE, auquel appartient l'UMP), les Socialistes, les Libéraux, les Verts et le groupe communiste, a été approuvée par 506 voix contre 161 et 23 abstentions. Le vote final aura lieu en juillet.
>>> Preuve que la fronde rassemble large, le socialiste Harlem Désir et l'UMP Alain Lamassoure s'y sont ralliés :
Pour l'Europe,pr soutenir F.Hollande ds son bras de fer contre les conservateurs,je vote avec le Parlement le rejet du budget UE en l'état!— Harlem Désir (@harlemdesir) 13 mars 2013
Débat #PE#EUCO Alain Lamassoure "La responsabilité du Parlement européen est de dire non au budget proposé par le Conseil"— Europe Direct LR_Pyr (@EUROPEDIRECTPLR) 13 mars 2013
Que prévoit cet accord déjà ? Il fixe un budget de 960 milliards d'euros de crédits d'engagement (c'est-à-dire le plafond de dépenses autorisé) pour la période allant de 2014 à 2020, soit 33 milliards d'euros de moins que pour l'exercice 2007-2013. Les crédits de paiement (c'est-à-dire les dépenses effectives) atteindront, eux, 908,4 milliards d'euros, soit 34 milliards d'euros de moins que dans le budget précédent. La Politique agricole commune (PAC) voit par exemple son budget diminuer de 50 milliards d'euros, à 373 milliards. Les aides aux personnes les plus démunies sont amputées d'un tiers de leur budget. Et les investissements d'avenir, au cœur du pacte de croissance défendu par François Hollande, n'augmentent "que de manière dérisoire", pour reprendre les mots de d'Alain Lamassoure, membre du PPE interrogé par Europe1.fr.
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Pourquoi les parlementaires grognent-ils ? Les élus européens ont déploré, dans leur résolution, le "fossé entre les engagements politiques de l'Union européenne et ses moyens budgétaires". "Plus que jamais l'Europe a besoin d'Europe, parce que notre continent ne sortira pas renforcé de la crise si nous ne sommes pas plus européens", a prévenu le Français Joseph Daul, président du groupe PPE. "Il nous faut plus de cohérence, plus de politiques communes, plus d'investissements communs et plus d'outils communs", insiste-t-il. Ce rejet témoigne d'un malaise au niveau de la droite européenne. Le Premier ministre anglais David Cameron, la chancelière allemande Angela Merkel et plusieurs parlementaires membres du PPE étaient en effet favorables à l'accord, au nom de la discipline budgétaire. François Hollande, lui, n'est pas un fervent partisan d'une telle rigueur budgétaire. Mais il a accepté un compromis, notamment après l'engagement que le budget de la PAC et les aides aux associations ne soient pas davantage amputés.
Que réclament les frondeurs ? Les parlementaires ne veulent pas plus de moyens. Ils exigent, avant tout, que la part des ressources propres de l'UE augmente, par la mise en place d'une taxe sur les transactions financières ambitieuse par exemple. Leur objectif : que les Etats ne contribuent plus qu'à hauteur de 40% au budget de l'UE, contre 65% aujourd'hui. Les députés réclament aussi une utilisation optimale des ressources. Ils demandent ainsi la possibilité de pouvoir transférer d'une année sur l'autre et d'un programme à l'autre les fonds non dépensés (16 milliards pour l'exercice 2007-2013). Ensuite, ils demandent à ce que l'UE utilise à chaque fois l'intégralité des crédits de paiement, même si ce n'est pas dans le cadre du programme pour lequel ils étaient destinés au départ. Une optimisation qui pourrait, par exemple, combler le déficit de 17 milliards d'euros du programme Erasmus, estiment les députés.
Le parlement veut plus de considération. Les élus européens demandent, enfin, de pouvoir réviser le budget européen à mi-parcours, en 2017. L'objectif est double : pouvoir le réadapter si l'économie décolle ou plonge en cours de route. Mais aussi faire en sorte que les nouveaux députés, élus en 2014, puissent avoir leurs mots à dire. Une demande de considération posée comme condition par le Parlement, qui regrette d'ailleurs le manque de transparence des gouvernements au sujet des négociations. Les députés accusent ainsi le Conseil européen d'avoir "outrepassé son rôle, en décidant de l'attribution de certains fonds pour obtenir l'assentiment de tel ou tel État, d'avoir organisé des 'négociations de marchands de tapis'", résume le journal Le Monde, citant le président (PPE) de la commission des budgets, Alain Lamassoure.