Budget: austérité ou rigueur de gauche?

Les ministres ont tenu lundi après-midi une réunion pour préparer le Budget 2013-2015 et discuter de la manière de trouver les 7 à 10 milliards d'euros manquant pour 2012. © REUTERS
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Le gouvernement a réaffirmé lundi son objectif zéro déficit en 2017. Doit-on parler d'austérité?

Austérité, austérité de gauche, ou pas d'austérité du tout, vers quoi le gouvernement Ayrault II entraine-t-il la France ? Les ministres ont tenu lundi à Matignon une réunion pour préparer le Budget 2013-2015. Et ils ont discuté de la manière de trouver les 7 à 10 milliards d'euros manquant à la France pour tenir l'objectif de 4,5% de déficit en 2012.

Si aucune annonce concrète n'y a été prononcée, l'engagement du "zéro déficit" en 2017 y a été réaffirmé. Gel des dépenses de l'Etat de 1 milliard d'euros, stabilité globale de l'effectif de fonctionnaires, maîtrise des dépenses sociales, effort des collectivités locales identiques à l'Etat… Matignon a énuméré dans un communiqué les grandes orientations budgétaires qui attendent le pays.

"Rigueur de gauche et maitrise des dépenses"

Mais nulle question d'austérité, pour le gouvernement. Le mot, susceptible de faire peur aux Français, est tabou. "Je récuse toute idée d'austérité dans ce pays", a ainsi martelé lundi le ministre de l'Economie Pierre Moscovici. Pour lui, le terme ne s'applique pas car le gouvernement "ne s'en prend pas aux classes moyennes".

À l'issue de séminaire de lundi, Matignon évite aussi le mot avec le plus grand soin, préférant parler de "maîtrise des dépenses". Avec un message clair : l'austérité, on la laisse au bilan de l'exécutif précédent. "La maîtrise des dépenses ne sera pas définie de façon comptable et aveugle, un tournant par rapport à la période précédente", détaille le communiqué publié après la réunion.

"L'austérité a justifié des mesures injustes comme le rabaissement de l'ISF ou le bouclier fiscal mis en place par Nicolas Sarkozy", a taclé elle aussi la députée PS de Seine Saint Denis Elisabeth Guigou.

Même son de cloche du côté de l'Elysée, qui préfère parler de "rigueur de gauche". "La rigueur de gauche, s’il y en a une, est juste, elle n’est pas idéologique, injuste et punitive comme la rigueur de droite et évidemment, elle a vocation à s’arrêter rapidement, l’austérité n’est la solution à aucun de nos problèmes", insiste une source proche de la présidence. "Je suis contre l’austérité", avait déjà prévenu solennellement le président de la République, vendredi à Rome.

Une exigence lexicale  qui amuse d'ailleurs les internautes. "Pour le budget, le PS cherche des synonymes de 'rigueur', mais sans dire 'rigueur'. Envoyez vos idées à Bercy, une carte du MEDEF à gagner", ironise le twittos bien inspiré Pierre Deruelle.

Des annonces de campagne...

Mais qu'en est-t-il vraiment ? Le mot austérité est-il si mal adapté au projet du nouvel exécutif ?  Ce n'est pas l'avis de tout le monde. "Non seulement le gouvernement laissera les mains totalement libres au grand patronat pour licencier, mais il prendra lui-même des mesures d'austérité qui, même décidées par la gauche, viseront les classes populaires tout autant que les mesures d'austérité de la droite", pointe par exemple l'ex candidate à la présidentielle de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud.  

"L'austérité, c'est la rigueur avec un caractère de gravité. Avec l'austérité on ne se contente plus de faire attention à l'évolution des dépenses, mais on les réduit, on diminue les budgets clairement. Puis, dans le privé, on s'arrange pour bloquer les salaires par exemple, par des partenariats ou des réductions, voire suppressions, de subventions," décrypte l'économiste et maître de conférence à l'université Paris II, Bruno Jérôme.  

Durant sa campagne, François Hollande avait promis des mesures épargnant les classes moyennes, à l'exception notoire de la hausse de 0,1% par an des cotisations vieillesses patronales et salariales, qui devrait diminuer un peu les salaires.

Pour trouver les près de 30 milliards manquant à l'objectif 2013 de 3% du déficit, le candidat socialiste avançait en effet l'annulation de 17,3 milliards d'euros de niches fiscales et sociales pour les entreprises hors TPE, mesure soutenue par la Cours des Comptes. Ainsi qu'une hausse de divers impôt sur les ménages aisés et les revenus du capital qui devait rapporter le reste de la somme.

Revoir la présentation des 60 engagements de François Hollande

François Hollande - Mes 60 engagements pour la...par francoishollande

Mais le candidat a également promis un principe général de "maîtrise" de la dépense publique, soit une progression de 1,1% par an en moyenne. Or il n'a pas étayé la manière d'y parvenir. Et l'effort est considérable, par rapport à son augmentation tendancielle de 2%.

...Qui ne suffiront pas

De plus, le programme du candidat Hollande ne suffira pas. Pierre Moscovici a déjà annoncé qu'il manquait entre 7 et 10 milliards pour terminer 2012. Et les prévisions de croissance du candidat socialiste vont probablement être revues à la baisse. François Hollande tablait sur une hausse de 1,7% du PIB en 2013. Mais les économistes la trouvent optimistes et voient plutôt une croissance entre 0,9% et 1,3%.

"Il y a des économies qui seront faite, a reconnu lundi soir sur i-Télé le ministre des Relations avec le parlement Alain Vidalies. Mais pas simplement au sens strict sur la fonction publique, mais sur un certain nombre d'opérateurs de l'Etat", type Météo France, CNRS…

Même son de cloche mardi matin du côté d'Elisabeth Guigou, qui ajoute que la dépense sociale sera "maitrisée" et que les collectivités locales feront des "efforts", sans jamais prononcer le mot tabou.

"Certaines dépenses prévues ne s'effectueront pas dans l'immédiat et se rajouteront au gel déjà appliqué, a également précisé le ministre du Budget Jérome Cahuzac. Chaque ministère y contribuera mais en gros, un milliard de dépenses qui devaient être engagées d'ici à la fin de l'année seront gelées."

Pour boucler les contours de ce budget, un calendrier a déjà été établi. Un débat d'orientation budgétaire est prévu début juillet au Parlement suivi d'un projet de loi de finances pluriannuel en septembre, qui aboutira à une loi de programmation des finances publiques dans le courant de l'automne.

"Avec les hausses d'impôts, la réduction des budgets de certains ministères ou les réductions de cotisations salariales pour les entreprises qui sont prévus, on peut parler d'austérité, conclut l'économiste Bruno Jérôme. Mais dans le même temps, il y a des mesures de relance comme l'embauche de fonctionnaires ou la création de contrats jeunes prévus. Hollande fait le grand écart."