Le gouvernement a annoncé une modification de son budget pour éviter une sanction de Bruxelles en raison de déficits grandissants.
Finalement, la France a revu sa copie et trouvé entre 3,6 et 3,7 milliards d’économies supplémentaires pour boucler son budget et éviter le courroux de la Commission européenne. Car Bruxelles n’avait pas été convaincue par notre première mouture de budget, très en deçà de nos promesses de réduction des déficits, et avait demandé à Paris un effort supplémentaire. Mais où le gouvernement va-t-il trouvé cet argent ? Et comment se fait-il que ce tour de vis est censé être indolore pour les ménages et entreprises français ?
>> LIRE AUSSI - François Fillon à propos du budget : "Ces changements sont bidons"
MOINS DE DÉPENSES QUE PRÉVU : 1,5 MILLIARD
Une moindre contribution au budget de l’UE : entre 300 et 600 millions. Le gouvernement a également bénéficié d’une bonne surprise venant des comptables de la Commission européenne. Chaque année, les Etats membres versent à Bruxelles une contribution pour financer les institutions européennes. Et le montant de ce chèque est proportionnel au PIB de chaque pays.
Hasard du calendrier, les méthodes de calcul du PIB viennent de changer si bien que plusieurs pays ont revu à la hausse l’estimation de leur richesse. Et doivent donc verser un peu plus d’argent à Bruxelles, ce qui n’est pas le cas de Paris, dont le PIB est resté sensiblement le même en vertu de ces nouvelles normes comptables. Et comme Paris avait déjà budgété cette dépense, c’est autant d’argent mis de côté et qu’il ne faudra finalement pas dépenser. Résultat, "entre 300 et 600 millions" d’économies dixit Michel Sapin.
Des taux d’intérêt toujours plus bas : 400 millions. Chaque année, la France ne boucle pas son budget et doit emprunter pour finir l’année. Dans l’élaboration du Budget 2015, le gouvernement a donc prévu un emprunt de 188 milliards d’euros, mais aussi son coût en tablant sur un taux d’intérêt avoisinant les 1,71%. Sauf que l’Agence France Trésor, qui emprunte sur les marchés pour le compte de l’Etat, obtient depuis plusieurs semaines de taux bien plus bas, actuellement 1,29%, et prévoit que cela va continuer en 2015. Résultat, environ 400 millions d’euros de moins à régler selon les calculs du ministère des Finances.
Un CICE moins coûteux que prévu : 500 millions ? Le gouvernement a mis au point deux outils pour aider les entreprises, le Pacte de responsabilité et le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), deux dispositifs qui doivent tourner à plein régime en 2015. Sauf que les entreprises ne les utilisent pas autant que prévu : pour l’année 2014, elles n’ont à ce jour utilisé que 8,1 milliards d’aides alors que le gouvernement a prévu une enveloppe de 12 milliards. En tablant sur une répétition de ce scénario, le gouvernement estime que tous les fonds qu’il a prévus ne seront pas utilisés en 2015 et deviendront autant d’économies aux yeux de Bruxelles. Bercy n’a pas encore communiqué combien d’argent il espérait ainsi économiser mais, par déduction, le chiffre doit avoisiner les 500 millions d’euros.
PLUS DE RECETTES QU’ESPÉRÉ : 2,1 MILLIARDS
La fiscalité des entreprises réformée : 500 millions. Côté recettes supplémentaires, Paris compte récupérer 500 millions d’euros grâce à une réforme de la fiscalité des entreprises. Certaines d’entre elles pouvaient jusqu’à présent déduire de leurs impôts sur les sociétés plusieurs taxes qu’elles avaient réglées. Désormais, ce ne sera plus le cas puisqu’elles bénéficient du très avantageux pack "CICE + Pacte de responsabilité".
Une meilleure lutte contre la fraude fiscale : 900 millions. Les services fiscaux sont de plus en plus efficaces pour débusquer les fraudeurs, non seulement parce que cette mission est devenue très politique et donc prioritaire, mais aussi parce que les paradis fiscaux commencent à faire quelques concessions et communiquent davantage d’informations sur nos ressortissants indélicats. Résultat, la France espère récupérer 900 millions d’euros de plus que prévu.
La taxe de séjour, un bonus à 300 millions. Cette taxe, qui vise les touristes séjournant dans un hôtel, une résidence ou un camping, permet de financer les collectivités locales. Et comme le gouvernement réduit ses dotations aux collectivités territoriales, il a décidé de compenser cette baisse par une hausse de cette taxe en 2015. Cette dernière devrait rapporter environ 300 millions d’euros supplémentaires.
Et 350 millions grappillés un peu partout. Michel Sapin n’a pas détaillé toutes les mesures qui permettront de trouver de l’argent supplémentaire mais a assuré des "petites mesures qui se cumulent", qui devraient permettre de trouver environ 350 millions supplémentaires.
CONCLUSION : plus un jeu comptable qu’un vrai tour de vis. Au regard du détail des mesures annoncées, on est donc loin des "3,6 milliards d'euros d'austérité supplémentaires" dénoncés par Marine Le Pen. La majeure partie de cette enveloppe proviendra de jeux d’écriture permis par de nouveaux calculs. Quant aux entreprises, elles vont récupérer d’un côté ce qu’elles perdent de l’autre. Seules deux catégories vont réellement faire les frais de ce "correctif budgétaire" : les clients des hôtels, qui paieront un peu plus d’un euro supplémentaire par nuit, et les fraudeurs fiscaux, contre qui les contrôles vont se renforcer. Bref, des catégories dont les complaintes ne seront pas très audibles.
>> LIRE AUSSI - Budget : Michel Sapin fait du bricolage pour Bruxelles