"Certaines entreprises prévoient et organisent l'obsolescence de leurs produits". Sûr de ce constat, le sénateur écologiste, Jean-Vincent Placé, interrogé mardi par Europe1.fr, a déposé une proposition de loi pour lutter contre la pratique dite de "l'obsolescence programmée" des réfrigérateurs, imprimantes et autres machines à laver. Dans le viseur ? Les groupes qui "écourtent la durée de vie de leur marchandise, afin de contraindre les consommateurs à renouveler leurs achats", détaille le sénateur.
>>> Comment compte-t-il enrayer cette pratique ? Est-elle si répandue ? La réforme a-t-elle une chance de passer ? Éléments de réponse.
Que contient ce projet ? Les écologistes proposent d'étendre progressivement, de 2 ans à 5 ans, la durée légale de garantie pour les produits électriques et électroniques. L'idée ? Inciter les constructeurs à faire des produits "longue durée". "Au bureau, au Sénat, nous avons des imprimante s qui tombent en panne toutes les 15.000 coupures. C'est toujours la même pièce qui fait défaut, et au moment où la garantie prend fin. Tout le monde, chez soi ou au travail, a été témoin d'une telle scène", assure Jean-Vincent Placé. Le projet prévoit également une définition du "délit d'obsolescence programmé", pour permettre des actions en justice. Ou encore de prolonger de 6 mois à 2 ans le délai pour faire jouer la garantie sans besoin de prouver le défaut de conformité pour le consommateur. Il propose, enfin, de rendre les pièces détachées disponibles pendant 10 ans, pour faciliter la réparation des produits.
"L’obsolescence programmée", c'est fréquent ? Jean-Vincent Placé a mené son enquête auprès des constructeurs et des associations de consommateurs et environnementales, qui lui ont fait remonter des centaines de "cas concrets". Batteries de smartphones irremplaçables, nouveaux logiciels non adaptés aux anciens appareils, machine à laver ou sèche linge subitement en panne au lendemain de la garantie légale etc… "J'ai appris des choses incroyables. Aujourd'hui, aucun groupe n'a intérêt à ce qu'un produit dure longtemps", regrette le sénateur. Et d'enchaîner: "les entreprises, surtout dans les nouvelles technologies, savent déjà ce qu'elles vont sortir dans dix ans. Elles pourraient tout sortir maintenant. Mais elles organisent la fin de leurs produits pour pousser le consommateur à acheter plusieurs fois…"
Et c'est facile à prouver ? Les associations de consommateurs soutiennent de longue date l'idée d'une telle réforme. "Nous suivrons attentivement les débats, satisfaits de cette avancée", a ainsi réagi l'UFC-QUE Choisir. Mais si ces dernières recensent beaucoup de cas troublants, il reste difficile de prouver que les entreprises programme en toute connaissance de cause l'obsolescence de leurs produits. "C'est quelque chose qui se dit depuis longtemps mais qui n'est pas démontré. C'est très difficile de chiffrer la durée de vie des produits", soutient ainsi Denis Vicheras, directeur du développement durable à la FNAC, cité par TF1 News. "Les consommateurs ont pu prouver un ou deux cas de défaillances par le passé", tempère également l’économiste Serge Latouche, interrogé par 20 Minutes.
Cette réforme a-t-elle des chances de passer ? Le sénateur Placé l'assure : les constructeurs présents sur le sol français, dont il a rencontré les représentants, "se sont tous montrés ouverts". "Ils ont senti le vent de l'Histoire tourner, et compris l'avantage de faire des produits de qualité, face à la concurrence des pays émergents", s'enthousiasme-t-il, assurant ainsi "ne pas craindre la pression des lobbys". Mais l'écologiste n'est pas dupe non plus. "Ils se montrent ouverts au départ, mais ils observeront la détermination du législateur. Et il faut s'attendre à voir les distributeurs râler. Ce sont eux qui profitent le plus des compléments de garantie".
La réforme sera débattue au Sénat le 23 avril prochain, en présence du ministre Benoît Hamon, qui prépare un projet de loi sur la consommation. A-t-elle des chances d'être adoptée par le PS, majoritaire au Parlement ? "Mes collègues socialistes, mais aussi Benoît Hamon et Pierre Moscovici, avec qui j'ai élaboré le texte, se sont montrés très attentifs. Mais, le temps que tous les arbitrages se fassent, il est prématuré de dire s'ils sont vraiment emballés", conclut Jean-Vincent Placé.