Elles craignent "une bombe atomique", un "tsunami" qui entrainerait des "effets dévastateurs pour nos entreprises". Six associations professionnelles, dont le Medef, la Fédération française des banques (FBF) et l'Association française des marchés financiers (Amafi), ont adressé un long courrier au ministère de l'Economie, révèle Le Figaro lundi. Le but : "mettre "en garde le gouvernement contre le projet de taxe sur les transactions financières", concocté par l'Union européenne. Un projet qui inquiète visiblement bien plus que la version franco-française de la taxe Tobin, adoptée cet été. Mais pourquoi cette mouture européenne fait-elle si peur aux entreprises et aux marchés?
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C'est quoi cette taxe ? La mesure prévoit de taxer toutes les transactions effectuées entre institutions financières de la zone euro, des banques aux Bourses en passant par les sociétés d'investissement, les compagnies d'assurance et autres hedge funds. Les transactions d'actions et d'obligations seraient taxées à 0,1% et les contrats dérivés à un taux de 0,01%. Il s'agissait, à l'origine, d'une proposition de loi de la Commission européenne, inspirée du Prix Nobel d'économie américain James Tobin, et censée s'appliquer à toute l'UE dès 2014. Mais elle ne devrait finalement concerner que l'Allemagne, la France, l'Autriche, la Belgique, le Portugal, la Slovénie, la Grèce, l'Italie, l'Espagne, la Slovaquie et l'Estonie, seuls pays à avoir fait connaitre leur motivation pour adopter la taxe.
Son objectif est double : financer certains projets en faveur du développement et freiner la spéculation financière. Selon Le Figaro, la Commission européenne chiffre à 31 milliards d'euros les recettes à espérer pour les États volontaires, dont près de 7 milliards annuel pour la France.
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Un fardeau trop lourd pour les entreprises? À en croire les associations signataires du courrier envoyé à Bercy, la facture serait bien plus élevée pour les entreprises. Entre le montant de la taxe mais aussi la baisse d'activité du secteur financier, la délocalisation des transactions à l'étranger ou encore le recul des investissements qu'elle pourrait entrainer, cela couterait 70 milliards pour les entreprises, affirment les signataires. Un fardeau qu'ils estiment bien trop lourd. "Pour Natixis seule, si la taxe se met en place telle qu'elle est envisagée, on parle d'une charge de 7 milliards d'euros. Notre chiffre d'affaires, c'est 6 milliards. C'est une charge qui est supérieure à notre chiffre d'affaires. Cela n'a pas de sens", a ainsi déploré vendredi Laurent Mignon, le directeur général de cette filiale de BPCE, sur BFM Business. D'autant que la taxe pourrait rapporter moins que les prévisions de l'UE, si les transactions financières se délocalisaient vers les pays qui n'adopteront pas la mesure, comme le Royaume-Uni ou Luxembourg.
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La version française moins pesante. La France a adopté, début août et sans provoquer trop de levées de boucliers, une taxe sur les transactions financières, conçue sous Nicolas Sarkozy et renforcée par François Hollande. Mais elle s'applique sur une assiette bien moins large que celle de l'Union européenne. D'un taux de 0,2%, la taxe est payée uniquement par les acheteurs d'actions d'entreprises disposant d'un siège en France. La mesure ne concerne pas les obligations, les changes ou les produits dérivés. Et les actions doivent appartenir à une entreprise dont la capitalisation est supérieure à 1 milliard d'euros.
La taxe est payée uniquement lors de l'achat, et non lors de la vente, par les particuliers et les établissements financiers, les banques essentiellement. Et ils ne payent cette taxe que s'ils gardent leurs titres jusqu'à la clôture des marchés. Ainsi, s'ils achètent une action le matin à 9h, et qu'ils la revendent dans l'après-midi, ils échappent à la taxe. Sont donc exclus finalement ceux qu'on appelle les traders à haute fréquence, ceux qui vendent et achètent en quelques secondes grâce a des logiciels très perfectionnés, et qui qui favorisent ainsi la spéculation.