L’INFO. Pour un employeur, un mouvement de grève n’est jamais un moment agréable même si le dialogue social doit parfois en passer par là. Mais Geodis BM, une filiale de la SNCF dédiée au transport routier de marchandises de la région nantaise, a visiblement trouvé une solution radicale pour dissuader ses employés de débrayer : des lettres de menaces à peine voilées envoyées au domicile de chaque salarié. Du jamais vu qu’Europe 1 vous dévoile en exclusivité.
Quand un conflit salarial classique dérape. Dénonçant depuis des mois "un climat social détestable", un tiers des employés d’une filiale de la SNCF se mettent en grève fin avril 2013. La réponse ne se fait pas attendre : le lendemain, chaque gréviste reçoit à son domicile un courrier.
Une lettre pour déstabiliser toute la famille. La démarche est d’autant plus rare que les courriers ne sont pas adressés au seul employé gréviste, mais à toute sa famille. C’est ce qui est arrivé à Nicolas… dont la femme a ouvert la fameuse lettre : "j’ai été alerté par ma femme qui a vu le courrier un peu vite fait, cela a affolé tout le monde".
"C’est une façon d’amener la famille dans les problèmes qu’il peut y avoir dans une entreprise, mais aussi de mettre la pression. Mettre la pression à nous, et à la famille. C’est bien fait pour cela, justement. Pour que tout le monde soit au courant", raconte Nicolas.
Et la menace (à peine voilée) d’un licenciement. "Cette lettre n’est pas anodine, tout est calculé pour que la personne qui la reçoit en prenne plein la tête", poursuit-il. Il faut dire que les termes employés dans le courrier sont des menaces à peine voilées, la direction expliquant qu'à cause de cette grève, il pourrait y avoir "de lourdes conséquence sur leur emploi." En clair, "un impact négatif sur la poursuite de leur contrat" et donc un licenciement.
"Très clairement une atteinte au droit de grève". Dans le cas de Géodis, il s’agit "très clairement d’une atteinte au droit de grève", s’insurge Fabian Tosolini, de la CFDT Transport. "C’est choquant. On a des salariés qui se retrouvent avec un courrier envoyé à madame et monsieur, envoyé au sein du cocon familial", souligne-t-il, avant d’ajouter : "c’est inacceptable. C’est une pression déguisée mais une pression qui a été vécue par les salariés comme telle".
Le syndicat compte donc bien demander des explications à cette entreprise en multipliant les courriers. Et si la direction refuse de sortir du silence, la CFDT a prévenu : elle n’hésitera pas à demander des comptes à la maison-mère, en l’occurrence la SNCF.
L'entreprise reconnaît une "maladresse". "Il y a une incompréhension sans doute qui est due à une maladresse de notre part dans l'utilisation de Monsieur, Madame", a réagi au micro d'Europe 1 Philippe de Carnet, directeur des ressources humaines chez Geodis."Le courrier, c'est un mode de communication classique pour une entreprise comme la nôtre qui emploie des chauffeurs qui n'ont pas l'occasion de passer, ou extrêmement rarement, dans les bureaux de la filiale", a-t-il argumenté. Quant aux menaces de licenciement, il l'assure : "il n'y a pas eu de conséquences liées à la grève en matière d'emploi".