Depuis octobre 2014, les demandeurs d’emploi bénéficient de droits rechargeables. Une réforme censée jouer en leur faveur puisqu’il permet de conserver ses droits à indemnisation en cas de reprise d'emploi. Sauf que pour quelque 30.000 chômeurs, le mécanisme a des effets pervers.
Les droits rechargeables, année zéro. La dernière convention d'assurance chômage, entrée en vigueur en octobre 2014, a introduit une innovation de taille : les droits rechargeables. Ce mécanisme permet à un chômeur de préserver des droits à indemnisation en cas de reprise d'emploi alors qu'il en perdait une partie auparavant. Sur le papier, le chômeur est donc gagnant. Revers de la médaille : lorsqu'un salarié perd à nouveau son emploi, il doit épuiser ses anciens droits à indemnisation, s'il lui en reste, avant d'en obtenir de nouveaux. Il peut donc se trouver pénalisé temporairement si ses anciens droits sont inférieurs aux nouveaux.
Une allocation bien inférieure à ce qui était prévu. Une mauvaise surprise qu’a vécue Emilie, 34 ans. Cadre du secteur bancaire, cette dernière a senti "le sol se dérober" sous ses pieds en recevant 1.050 euros d'allocation chômage au lieu des 1.800 escomptés. Et visiblement, elle n’est pas la seule dans ce cas. "Mi-novembre, nous avons eu notre premier témoignage" d'un chômeur concerné, raconte Vladimir Bizet-Sefani, militant à la CGT Chômeurs rebelles du Morbihan. Depuis, l'organisation en a enregistré une centaine.
Comment Emilie peut-elle se retrouver avec une allocation chômage en-deçà de ses prévisions ? De 2010 à 2012, la jeune femme enchaîne les contrats à durée déterminée (CDD) puis un CDI en tant qu'assistante, rémunéré environ 1.500 euros nets par mois. Puis les deux années suivantes, elle décroche "le poste visé" de cadre bancaire, toujours en CDD, mais cette fois rémunéré à 3.000 euros nets mensuels. Lorsque fin 2014, elle se retrouve au chômage et s'inscrit à Pôle emploi, elle découvre avoir "pris un an ferme de droits à épuiser" calculés sur son ancienne rémunération d'assistante.
Des effets également vécus par Sarah, 35 ans, médecin en région parisienne, qui a financé une partie de ses études en étant infirmière à temps partiel, rémunérée environ 1.300 euros nets par mois. Après plusieurs longs CDD en tant que médecin à 3.800 euros par mois, sa "vie a changé" lors de son ouverture de droits auprès de Pôle emploi. "Je me retrouve avec 335 jours de droits à liquider sur la base de mon ancien travail d'étudiante", déplore la jeune médecin qui, après avoir reçu un peu plus de 500 euros d'allocations, a dû "prendre le premier travail qui se présentait". Elle évoque une "cercle vicieux".
Un ajustement est prévu. Conscientes du problème, les organisations patronales et syndicales se sont réunies une première fois mardi pour tenter d'y apporter une solution et se retrouveront le 18 mars pour une séance qu'elles souhaitent "conclusive".
Sur les quelque 2,8 millions de chômeurs indemnisés, ce problème concernerait entre 30.000 personnes par an, selon l'Unédic, qui applique des normes restrictives, et "au moins 100.000", d'après la CGT, dont le blog "CGTChômeursrebelles56" publie une autre note de l'Unédic selon laquelle 500.000 demandeurs d'emploi seraient affectés.
Pour Pierre-Edouard Magnan, délégué fédéral du Mouvement national des chômeurs et précaires, "c'est d'autant plus scandaleux qu'il s'agit de droits cotisés, donc c'est un dû". La France comptait en janvier 3,74 millions de demandeurs d'emploi sans aucune activité inscrits à Pôle emploi, outremer inclus.