• L’INFO. Aucun rapport de la Cour des comptes ne passe inaperçu, les magistrats étant connus pour appuyer là où ça fait mal. Le dernier en date, 170 pages consacrées aux "politiques du marché du travail", pointe plusieurs dérives, dont le régime des intermittents mais pas seulement. Un autre public est particulièrement visé et il n’en a pas l’habitude : les cadres. Ces derniers sont accusés de bénéficier d’indemnités trop généreuses en temps de crise, à hauteur de 68% de leur ancienne rémunération nette. Reproche supplémentaire, ils monopolisent la formation continue au détriment de ceux qui en ont le plus besoin.
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• Des indemnités plus élevées qu’ailleurs. Ainsi, un cadre gagnant deux fois le salaire moyen (soit environ 4.000 euros nets), touchera 68% de cette somme s’il est licencié. "Dans les autres pays européens, le niveau de l’indemnisation est souvent beaucoup plus strictement plafonné", souligne la Cour des comptes, chiffres à l’appui. Chez nos voisins, ce même cadre bénéficierait d’un taux de remplacement bien inférieur : 33% en Italie, 35% au Danemark, 59% en Allemagne, voire même 20% au Royaume-Uni.
Un tel niveau d’indemnités coûte non seulement cher en période de crise mais il est en plus injuste, note la Cour des comptes : il "est plus favorable aux deux extrémités de l’échelle des revenus : au voisinage immédiat du SMIC et aux niveaux de rémunération les plus élevés". En clair, un employé de la classe moyenne qui se retrouve au chômage sera proportionnellement moins indemnisé qu’un cadre ou qu’un "Smicard" licencié.
• Des aides à la formation cannibalisées. Outre ce niveau élevé d’indemnisation, la Cour des comptes pointe une autre dérive : "la formation professionnelle continue bénéficie plus aux salariés les mieux formés, alors même que les moins qualifiés font face au risque de chômage le plus élevé". Un paradoxe alors que les cadres au chômage, s'ils sont bien formés et pas trop âgés, sont supposés pouvoir rebondir plus facilement qu’un ouvrier sans formation.
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• "Le ciblage est totalement insuffisant", résume Didier Migaud. "C’est un problème qu’on retrouve dans beaucoup de politiques publiques, notamment sur le marché de l’emploi et du travail : le ciblage est totalement insuffisant", expliquait Didier Migaud, président de la Cour des comptes, mercredi matin sur Europe 1. Ainsi, les personnes les mieux pourvues pour sortir du chômage sont très bien accompagnées. A contrario, "les personnes qui doivent être les plus concernées par les dispositifs mis en place, en fait, en sont les plus éloignées", ajoutait Didier Migaud.
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• Le ministre du Travail promet de "prendre des mesures". Sans aller jusqu’à préconiser une limitation des indemnisations chômage versées aux cadres, Michel Sapin s’est déclaré en faveur d'une réforme. Il "faudra prendre des mesures sur les indemnités chômage. Les partenaires sociaux doivent négocier pour trouver une solution raisonnable et responsable", a-t-il souligné, mercredi matin sur RTL. La décision finale revient aux partenaires sociaux, qui doivent trouver un nouvel accord avant la fin de l’année 2013.
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• Mais les députés PS refusent de "pointer du doigt". Interrogé sur le sujet, Bruno Le Roux, chef de file des députés PS, a tenu à dédramatiser la polémique. "Il faut rester calme, il est normal qu'en période de crise, il y ait un déficit de l'assurance chômage", a souligné l'élu de Seine-Saint-Denis sur LCI, avant d’ajouter : "ne commençons pas à pointer du doigt - ce n'es pas la stratégie que nous avons depuis huit mois - les uns ou les autres".