Compétitivité : les secrets du modèle allemand

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ZOOM - Juste avant la remise du rapport Gallois, un coup d'oeil à notre voisin, ce si bon élève.

Engluée dans la crise de la dette, la France s’est décidée à faire son autocritique sur la compétitivité de son économie. Chargé par le gouvernement de rédiger un rapport sur la compétitivité, Louis Gallois rend sa copie le lundi 5 novembre.

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Nous nous sommes arrêtés sur le cas allemand car on peut déjà parier que le bon élève sera cité en exemple, cette dernière enchainant les bonnes performances économiques. Une réussite qui s’explique en grande partie par les réformes lancées au début des années 2000 par Gérard Schröder.

QUELLES REFORMES l’Allemagne a-t-elle entrepris ?

Chômage, croissance, déficits : lorsque le chancelier Gérard Schröder est réélu en 2002, tous les voyants sont au rouge. Le gouvernement décide donc de provoquer un choc de compétitivité et identifie trois priorités : réformer son système de protection sociale, assainir les finances publiques et flexibiliser le marché du travail. Gérard Schröder dévoile en 2003 son "Agenda 2010", un ensemble de réformes qui se traduit par une sévère cure d’austérité et des manifestations sans précédent.

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Voici les principales réformes entreprises :
- Emploi : favoriser l’auto-entrepreunariat, simplifier  les procédures d’embauche et inventer les "Minijob", des emplois précaires à court terme et moins taxés. Mais la mesures la plus impopulaire concerne le chômage : les allocations ont été réduites et les chômeurs obligés d’accepter la troisième offre d’emploi, même moins rémunérée que l’indemnité-chômage. A chaque refus, les allocations sont aujourd’hui réduites de 30% jusqu’à leur suppression.
- Coût du travail : l’âge de la retraite a été reporté et les cotisations ont augmenté, l’impôt sur les sociétés a été réformé pour ne plus bénéficier aux seules grandes firmes mais aussi aux PME.
- Comptes publics : l’Etat a réduit ses aides, vendu ses participations dans plusieurs grandes entreprises, augmenté les taxes sur la tabac et proposé une amnistie fiscale pour faire revenir les fraudeurs. Côté sécurité sociale, un forfait a été introduit et des soins déremboursés.

QUEL BILAN peut-on tirer huit ans après ?

Les réussites du modèle allemand. Le premier avantage de cet Agenda 2010 a été de provoquer une prise de conscience et un vif débat, comme l’a souligné l’universitaire Brigitte Lestrade dans son étudeLes réformes sociales en Allemagne : l’agenda 2010 du gouvernement Schröder. Côté chiffres, les finances publiques ont été assainies et le système d'assurance sociale enregistre désormais des excédents. Sur le front de l’emploi, le nombre de chômeurs a été réduit de 2 millions entre 2005 et 2012.

Ses échecs. "Schröder n’a pas eu d’autre choix que d’imposer une politique qu’on peut qualifier de socialement brutale. Avec ce système, plus on est qualifié, mieux on s’en sort. Les gens qualifiés ont vu leur situation s’améliorer mais pas les autres, qui subissent plus de précarité. L’écart entre les classes moyennes-supérieures et les autres ne cesse de se creuser", décrypte Hans Stark, directeur du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa).

Ainsi, les entreprises d'au moins dix employés comptaient en 2010 plus de 20% des travailleurs pauvres, selon l'Office fédéral des statistiques Destatis. Un rapport du Bureau international a par ailleurs montré que la majorité des emplois créés sont précaires. Enfin, ce tour de vis s’est traduit par une chute de la consommation, d’autant que la TVA a ensuite été relevée.

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LA FRANCE peut-elle reprendre les mêmes recettes ?

OUI, elle le fait déjà. Comme l’Allemagne, l’Hexagone a réformé les retraites (report de l’âge légal) et a  augmenté la fiscalité sur le tabac au bénéfice de la Sécurité sociale. Le RSA s’inspire également d’une réforme allemande. Pour lutter contre le chômage, la France a aussi fusionné ses structures (Assedic et Unedic devenus Pole Emploi) et durcit les conditions d’indemnisation du chômage. "Mais l’Allemagne a mis le paquet sur l’accompagnement des chômeurs, la France beaucoup moins", souligne le directeur du Cerfa.

OUI, elle y pense. Le gouvernement Ayrault veut lui aussi réduire les cotisations et envisage d’en transférer le financement sur la CSG. Il vante également l’apprentissage et veut soutenir les PME par le biais d’une Banque publique d’investissement. Enfin, l’industrie française tente actuellement de monter en gamme.

NON, l’Allemagne n’est pas la France. "L’Allemagne mise depuis toujours sur l’exportation : 43% du PIB provient des exportations, contre à peine 20% pour la France, qui mise sur la consommation intérieure. En cas de politique sociale dure comme l’a fait Schröder, cela se ressentirait immédiatement et pourrait tuer la consommation", prévient Hans Stark. L’autre différence est démographique : la baisse du chômage allemand a été aidée par le vieillissement et la réduction de la population, alors que la population française ne cesse de croître.

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