Créer 475.000 emplois dans l'industrie, c'est crédible ?

François Hollande et Arnaud Montebourg ont présenté jeudi 34 grands plans industriels français, censés créer pas moins de 475.000 emplois d'ici 10 ans.
François Hollande et Arnaud Montebourg ont présenté jeudi 34 grands plans industriels français, censés créer pas moins de 475.000 emplois d'ici 10 ans. © Reuters
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C'est ce que promet l'exécutif, qui a dévoilé 34 plans censés forger l'industrie française de demain.

La promesse. Elle est signée Arnaud Montebourg et François Hollande. Le ministre du Redressement productif et le président de la République ont présenté jeudi 34 grands plans industriels français, censés créer pas moins de 475.000 emplois d'ici 10 ans. Une promesse a priori ambitieuse (le chiffre représente pas moins d'1/6e du nombre actuel de chômeur), à laquelle l'exécutif croît dur comme fer. "J'ai la conviction que c'est par l'industrie que la France retrouvera espoir", a ainsi lancé en grande pompe le chef de l'Etat, parlant même de "troisième révolution industrielle".

>>> En ces temps de chômage record, cette promesse a effectivement de quoi faire renaître "l'espoir". Mais est-elle crédible ? D’où sort ce chiffre de 475.000 emplois? On décrypte.

D'où sort ce chiffre ? Il est difficile de savoir comment il a été calculé. C'est le cabinet McKinsey, spécialiste dans le conseil aux chefs d'entreprises, qui en est à l'origine. Le hic : le cabinet a l'interdiction de Bercy de publier l'étude, assure Le Nouvel Obs. Et le gouvernement refuse d'en dire plus. "Ces plans positionnent la France dans la mondialisation, de telle sorte qu'elle en recueille un surcroît de richesses créées sur notre territoire, un accroissement de la part du 'Made in France' dans le monde, un surcroît d'exportation et de nombreuses créations d'emplois à la clé", promet simplement Arnaud Montebourg. "Ce chiffre est difficile à vérifier, on est dans le flou total. J'espère que cette évaluation n'a pas été faite sur un coin de table, comme cela a déjà été fait par le passé. Mais si on n'a pas le droit de voir le détail, il y a déjà un problème. On ne devrait pas avoir peur du chiffre que l'on annonce", estime, pour sa part, l'économiste à l'université Paris-II, Bruno Jérôme, contacté par Europe1.fr.

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Un chiffre crédible ? "Sur 10 ans, pourquoi pas, s'il prend en compte les emplois induits, crées dans les filiales ou chez les sous-traitants", juge tout de même Bruno Jérôme. En effet, selon l'Insee, en période de croissance correcte, l'économie est capable de créer jusqu'à 15 millions d'emplois bruts (sans faire la soustraction des destructions d'emploi) en 10 ans. Le chiffre est donc tout à fait envisageable, voire même banal si l'on prend en compte les emplois induits. D'autant que l'évaluation de McKinsey ne parle pas uniquement d'emplois "crées". Comme l'explique l'Expansion, l'estimation des 475.000 comprend à la fois les emplois "préservés", les emplois "renforcés" et les emplois "créés", sans différencier les catégories. "Tout ça a l'air d'être un superbe effet d'annonce", tranche Bruno Jérôme. "C'est de la pure communication", renchérit Jean-Luc Gaffard, spécialiste des questions d'innovation à l'OFCE, interrogé par Le Nouvel Obs.

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L'inconnue des destructions d'emploi. En outre, ce n'est pas en préservant des emplois dans les entreprises concernées par les 34 plans que l'on va forcément les préserver ailleurs. Pour la plupart, il s'agit de projets de très hautes technologies (voitures sans chauffeur, avions électriques, dirigeables surpuissants…). Le danger est donc que cela s'accompagne de suppressions de postes dans d'autres secteurs manufacturiers peu qualifiés. "C'est le risque. Aux Etats-Unis par exemple, beaucoup d'argent a été investi dans la voiture électrique. Mais, au final, on en produit peu, et cela ne s'adresse qu'à une clientèle haut de gamme. Cela ne crée pas d'emploi industriel lourd", explique Bruno Jérôme. "Dans les 34 secteurs sélectionnés, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu, mais collectivement, elles n'ont pas assez innové", renchérit même Jean-Luc Gaffard.

Un soutien de l'Etat trop faible ? L'arrêt des destructions d'emploi dans l'industrie est d'autant moins certain que l'hémorragie est violente. "L’emploi industriel est passé de plus de 26 % de l’emploi salarié total en 1980 (5,1 millions de salariés) à 12,6 %, en 2011 (3,1 millions de salariés), la France perdant ainsi plus de 2 millions d’emplois industriels en 30 ans", rappelle Louis Gallois, commissaire à l'investissement auprès du gouvernement, cité par Le Nouvel Obs. L'Etat doit-il donc investir davantage que les 3,7 milliards promis pour ces 34 plans ? "L’industrie française est un objet qui mériterait mieux", répond Eric Le Boucher, cofondateurs de Slate.fr. Pour Jean-Luc Gaffard, l'austérité que s'imposent les États est également à l'origine "de la baisse de demande" et des "difficultés des entreprises"."Il faut mettre les moyens [...] et transférer les ressources des secteurs fragiles à ceux jugés prometteurs", poursuit Philippe Waechter, de Natixis, dans 20 minutes. "Il faudrait investir massivement plus, mais on n'a pas les moyens", tranche Bruno Jérôme, peu optimiste.