Crise de la dette : où en est le patient grec ?

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BRAS-DE-FER – La Grèce multiplie les visites diplomatiques mais reste au pied du mur : ses caisses sont vides. Athènes négocie toujours avec la zone euro.

Fin janvier, les Grecs élisaient un nouveau gouvernement, dirigé par le Premier ministre Alexis Tsipras, avec un objectif : mettre fin à l’austérité et modifier le rapport de force avec ses créanciers. Depuis, les sommets européens sous tension et les déclarations acerbes se succèdent, sans que la situation de la Grèce ne se clarifie. La rencontre dimanche entre le ministre des Finances Yanis Varoufakis et la directrice du FMI n’a pas dérogé à cette règle : si la Grèce a assuré qu’elle remboursera sa dette au FMI, la situation de ses comptes et son programme de réformes restent flous. Et ce même si le temps presse.

La Grèce rassure le FMI : elle honorera sa créance. Malgré les changements de gouvernement, un constat demeure à Athènes : les caisses sont désespérément vides alors que la Grèce doit progressivement rembourser les 240 milliards d’euros que lui ont prêtés l’Union européenne, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne. Le nouveau gouvernement mené par Alexis Tsipras a donc entamé des négociations avec l’Europe pour changer les règles du jeu, aujourd’hui dans l’impasse, Athènes n’ayant pas respecté ses engagements précédents.

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Pour éviter de multiplier les fronts, Athènes a décidé de rassurer son autre principal créancier, le FMI. Le ministre des Finances Yanis Varoufakis était donc dimanche à Washington pour rencontrer la directrice de l’institution, Christine Lagarde et lui tenir le message suivant : Athènes remboursera comme prévu le 9 avril les 460 millions d'euros qu’elle doit au FMI, bien que les caisses soient bientôt vides. Nous "avons convenu que l'incertitude n'est pas dans l'intérêt de la Grèce", a déclaré la patronne du FMI à l’issue de la rencontre.

Mais le bras-de-fer avec le reste de l’Europe se poursuit. Si Athènes a clarifié la situation avec le FMI, l’"incertitude" est toujours de mise en ce qui concerne ses négociations avec le reste de la zone euro. Sauf que l’enjeu est cette fois-ci bien plus grand : les pays de la zone euro et la BCE lui ont prêté 214 milliards d’euros, contre 32 milliards venus du FMI.

Dans ce dossier, les négociations sont toujours dans l’impasse : malgré plusieurs sommets à Bruxelles, Grecs et créanciers européens n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord. Athènes répète qu’elle est à deux doigts de la faillite et demande au reste de la zone euro de lui verser la fin de son plan d’aide, soit 7,2 milliards d’euros. En face, les Européens lui rappellent que le versement de cet argent était conditionné à des réformes qu’Athènes n’a toujours menées.

Après d’âpres négociation, Athènes a obtenu un peu de souplesse : elle peut mener d’autres réformes que celles qui étaient prévues, à condition que les économies attendues soient réalisés. Athènes a donc envoyé à ses partenaires la liste des nouvelles réformes qu’elle entend mener, mais ces derniers n’ont toujours pas validé cette nouvelle feuille de route, et pour cause : ils doutent que cela suffisant pour que la Grèce se réforme et rebondisse.

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Prochain rendez-vous à Bruxelles le 24 avril. Après deux versions retoquées pour leur imprécision, Athènes a envoyé la semaine dernière au reste de la zone euro une nouvelle liste des réformes qu’elle entend mener. Et Yanis Varoufakis l’a répété, dimanche depuis Washington : l’objectif est de "réformer la Grèce en profondeur". Au menu : lutte contre la contrebande de tabac et d’essence, réforme fiscale pour limiter la corruption et la fraude, lutte contre la fraude à la TVA, privatisations, impôt sur les jeux d’argent, impôt sur les produits de luxe, etc.

Sauf que la liste des réformes proposées n’a toujours pas convaincu les Européens : à leurs yeux, soit elles sont insuffisantes, soit Athènes surestime leur impact dans un pays où la fraude fiscale est très ancrée dans les comportements. Les Européens ont donc décidé de temporiser, d’autant que le temps joue contre Athènes : la prochaine réunion de l'Eurogroupe est programmée le 24 avril, date à laquelle les caisses d’Athènes risquent d’être vides. Au passage, le gouvernement grec a également promis une réforme de ses outils statistiques pour rendre ses comptes publics plus transparents.

Une tournée internationale pour faire jouer la concurrence. Puisque les discussions patinent avec le reste de la zone euro, Athènes s’est lancée dans une grande tournée diplomatique pour titiller Bruxelles. Le ministre grec des Finances était à Washington dimanche et doit rencontrer lundi une conseillère de Barack Obama et des responsables du Trésor américain. De son côté, le Premier ministre a prévu de se rendre mercredi à Moscou, alors même que l’Europe et la Russie sont en profond désaccord sur le dossier ukrainien et que le Kremlin est soupçonné de vouloir diviser les Européens en racolant ses partenaires historiques, la Grèce, la Hongrie ou encore Malte.

Athènes tente donc de faire jouer la concurrence pour convaincre l’Europe d’accepter des concessions. Mais le dialogue entre Bruxelles et Athènes reste compliqué : la Grèce souhaite toujours lancer rapidement un plan de relance sans en avoir les moyens alors que, en face, les Européens raisonnent en terme financiers - recettes, équilibre budgétaires, et donc rigueur. Une divergence de points de vue qu’ont encore confirmé les dernières déclarations du ministre des Finances : "nous n'allons pas condamner le pays, comme l'ont fait les gouvernements précédents, à une asphyxie durable. (…) Les négociations prendront fin quand on parviendra à un accord honorable, qui offrira à l'économie grecque la perspective d'une réelle stabilisation et d'une croissance substantielle", a-t-il assuré dans les colonnes de Naftemporiki. Les négociations avec le reste de la zone euro sont loin d’être apaisées.

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