Le gouvernement promet des résultats . Du concret, et rapidement. La promesse a été martelée par Emmanuel Macron ces derniers mois pour justifier le projet de loi sur la croissance que le ministre de l’Economie a présenté mercredi en Conseil des ministres. Une manière de rassurer, et de légitimer les mesures, réformes et autres assouplissements programmés dans le texte de loi (déréglementation des professions du droit, extension du travail le dimanche, ouverture de nouvelles lignes de car…).
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Mais il ne les chiffre pas. Dès "l’été prochain", les effets se feront sentir pour les ménages et les entreprises, promet-on à Bercy. Mais quels effets ? Au gouvernement comme chez les analystes, tout le monde reconnaît qu’il est difficile de chiffrer dès aujourd’hui l’impact de ces réformes sur les indicateurs de l’économie française, de la croissance du PIB au taux de chômage.
Emmanuel Macron lui-même avait remis en cause les estimations d’Arnaud Montebourg, son prédécesseur à Bercy, qui escomptait redonner 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français.La libéralisation des cars (ouverture de nouvelles lignes à de nouveaux exploitants) est une des rares mesures aux conséquence chiffrées : 10.000 emplois supplémentaires selon le gouvernement.
C’est exactement la faiblesse pointée du doigt par le Conseil d’Etat dans son rapport qui souligne "le caractère lacunaire et les graves insuffisances de l'étude d'impact" qui lui a été transmise, sur nombre de dispositions du projet de loi, baptisé "pour la croissance et l'activité". Autre critique qui revient fréquemment, le côté fourre-tout de cette loi, qui rend le chiffrage de son impact "assez compliqué", explique Eric Heyer, économiste à l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE).
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Emmanuel Macron a surtout insisté sur l'"effet indirect" que le projet devrait entraîner, sur l'"impact psychologique" attendu en matière de confiance des consommateurs et des entreprises. "L'économie ça ne marche pas en additionnant des chiffres, l'économie c'est aussi déclencher des comportements", a insisté le ministre de l'Economie. Le gouvernement a aussi invité organisations internationales et groupes de réflexion à "évaluer" et "enrichir" le texte, citant notamment une récente étude de l'OCDE, qui estimait que les réformes engagées et annoncées en France, si elles sont menées à terme, pourraient augmenter le produit intérieur brut d’environ 0,1 point de croissance supplémentaire par an à horizon de cinq ans. Le Trésor, lui, estime qu’entre 50 et 60.000 emplois au minimum seront créés dans les dix prochaines années.
Des estimations discutables, et des réformes à double tranchant. Concernant l'assouplissement des ouvertures de commerces le dimanche, Eric Heyer estime qu'il peut y avoir "un aspect positif sur la croissance économique" en ce qui concerne la clientèle touristique. Mais, pour l'ensemble des Français, s'ils augmentent leurs achats le dimanche, ils consommeront moins en semaine, prédit l'économiste. De plus, la hausse des salaires le dimanche pourrait avoir pour effet d'augmenter les prix. L'économiste suggère de rendre les achats plus onéreux le dimanche dans ces commerces, ce qui opérerait une sélection entre touristes et résidents, ces derniers reportant leurs achats sur la semaine. "Même les études les plus sérieuses vous disent qu'il y a plutôt des pertes d'emplois à attendre" car l'on va "casser le petit commerce", lance-t-il.
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Ouerture dominicale des grands magasins, mort du petit commerce ? L'UPA, qui représente les commerces de proximité, s'attend à terme à des "destructions massives d'emploi". Trois comités rassemblant les commerçants de luxueuses rues parisiennes estiment en revanche "à 5.000 le nombre d'emplois qui pourraient potentiellement être créés". Eric Heyer souligne qu'"une grande partie de ce qui est fait ici c'est l'inverse" du crédit d'impôt pour la croissance et l'emploi (CICE) et du pacte de responsabilité car "on essaye de retransférer du revenu des entreprises vers les ménages" alors que le CICE et le pacte transfèrent du revenu des ménages vers les entreprises pour 40 milliards d'euros.
Une loi politique plus qu’économique ? A lire l’analyse de Jean-Yves Archer sur le Figaro.fr, cette loi Macron aurait plus de sens politique que de signification économique. Pour l’économiste, réunir tant de réformes différentes dans une même loi tient du "patchwork psychédélique puisque son contenu a évolué jusqu'aux derniers instants". Un patchwork aux contours déterminés par des "arrangements partisans au détriment des nécessités économiques". Emmanueal Macron a négocié en amont avec les écologistes, en acceptant de retirer le projet Cigéo, censé permettre l’enfouissement de déchets radioactifs et a reculé sur la réforme des seuils sociaux, comme l’explique le journal Les Echos.
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Aux yeux de Jean-Yves Archer, la loi est surtout "destinée à permettre à la France de tenir devant Bruxelles". Et pour cause, si le budget français a bien été validé in extremis par la Commission, cette dernière a repoussé son verdict sur le non-respect des critères de convergence (niveau de déficit public annuel situé en dessous de 3% du PIB). Initialement prévu pour 2015, le retour à ce seuil (aujourd’hui supérieur à 4%) devrait être repoussé à 2017. En espérant que, d’ici là, les réformes engagées par le gouvernement aient porté leurs fruits.