La déclaration. "Chacun doit avoir un comportement éthique, quel que soit le métier qu'il exerce", a prévenu vendredi François Hollande, dans une allusion à peine voilée à l'installation de Gérard Depardieu en Belgique. "Il n'y a pas d'autre moyen de faire que de revoir les conventions fiscales avec les pays qui offrent une fiscalité avantageuse. La France sera obligée de renégocier la convention fiscale avec la Belgique pour traiter le cas de ceux qui se sont installés dans quelque village belge", a avancé le chef de l'Etat. "Nous harmonisons nos politiques budgétaires, nous devons harmoniser nos politiques fiscales", a-t-il insisté.
>>> De quoi parle-t-il précisément? Quels sont ces conventions qui attirent Alain Delon, José Gracia et maintenant Gérard Depardieu? Décryptage.
• Qu'est ce qu'une convention fiscale? Conclues entre deux Etats, les conventions fiscales sont censées permettre aux contribuables domiciliés dans un pays et qui perçoivent des revenus dans un autre, de ne pas être imposés deux fois. Cela permet aussi, en principe, aux Etats d'éviter que des contribuables n'échappent frauduleusement aux impôts en profitant des différences de législation. La France est liée par une convention fiscale avec la Belgique depuis 1964, avec la Suisse depuis 1966 ou encore avec le Royaume-Uni depuis 1968. En tout, la France a signé 120 conventions dites "bilatérales préventives de la double imposition" à travers le monde.
• En quoi le cas de la Belgique pose problème? Selon la convention belgo-française, il suffit d'y être résident pour payer ses impôts en Belgique. C'est le cas pour de nombreux pays européens au nom du principe : "on paie des impôts dans le pays où l'on bénéficie des services publics". Les deux critères principaux pour devenir résident fiscal belge sont ceux du "foyer d'habitation permanent" et du "centre des intérêts personnels et économiques". En clair : il suffit de vivre plus de six mois en Belgique et de gérer sa fortune de là bas.
Or, le résident belge bénéficie d'avantages non négligeables, comme celui de ne pas payer du tout d'impôt sur le Fortune ou de payer des droits de successions s'élevant seulement à 3%, contre 40% en France. Des avantages qui ont, semble-t-il, attiré Gérard Depardieu, qui déménage et vend son hôtel particulier à Saint-Germain-des-Prés. Il rejoindra les 200.000 Français vivant aujourd’hui chez nos voisins. Face à cela, François Hollande peut demander une révision de la convention, en demandant par exemple de porter de six à neuf mois la durée de vie sur le territoire belge avant de devenir résident.
• Des "petites révolutions" déjà à l'œuvre en Suisse. Pour les candidats à l’évasion fiscale, ou plus politiquement correct "l’optimisation fiscale", la Suisse a longtemps été la destination favorite des plus fortunés. Pas moins de 14 milliardaires hexagonaux résident chez nos voisins helvètes. Principale attrait : l'impôt sur la dépense, le fameux "forfait fiscal". Il permet à plus de 200 Français – dont Johnny Hallyday – de payer très peu d'impôts sur leurs revenus, puisqu'ils sont calculés sur la base de la valeur locative de leur logement. Mais la tendance commence à s'inverser au profit de la Belgique ou de l'Angleterre, comme le révélait le 5 décembre le magazine bilan.
Car la Suisse devient de moins en moins attractive. Les cantons de Zurich, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Campagne et Bâle-ville ont en effet adopté l'abolition du paquet fiscal. De plus, la France et la Suisse sont en train de réviser certains pans de leur convention, notamment sur les droits de succession. Des centaines de milliers de résidents français pourraient donc bientôt payer les impôts français sur une succession d'un proche mort en Suisse. Or actuellement, si le défunt résidait en Suisse, l'héritier payait les impôts susses, très faibles par nature. Les experts n'hésitent pas à parler de "petites révolutions". Et ce n'est pas tout. La Suisse souhaite mettre en place le projet "Rubik". L'idée? Autoriser les détenteurs étrangers de comptes helvètes à régulariser leur situation et protéger leur identité, en échange d'un impôt reversé à leur pays d'origine. Ce qui veut dire, pour beaucoup, la France.