L'INFO. La nouvelle est passée un peu inaperçue et pourtant, elle intéresse des millions de personnes. A compter du 1er janvier, la durée minimale des temps partiel passe à 24 heures par semaine. Alors que cette mesure est censée lutter contre le temps partiel subi, certains syndicats et entreprises y voient un "casse-tête", voire un risque pour l'emploi. Explications.
Quelle mesure ? C'est une des conséquences de la loi sur l'emploi de juin 2013, fruit d'un accord entre les partenaires sociaux. Les dispositions de la loi stipulent que les temps partiels devront être au minimum de 24 heures par semaine dès le 1er janvier 2014 pour les nouvelles embauches et au 1er janvier 2016 pour tous les contrats en cours.
Aujourd'hui, chez les quelque quatre millions de salariés concernés, en grande majorité des femmes (80%), la moitié travaillent moins que ce quota horaire. La raison ? Il n'y avait pas de contrainte, sauf dans quelques branches mais le "seuil" était plus bas.
Des dérogations. Le texte prévoit d'ores et déjà des dérogations. Exemples : une demande explicite du salarié ou un accord de branche sous réserve de contreparties. Les étudiants de moins de 26 ans, les employés des particuliers, les intérimaires et les salariés qui cumulent 24 heures avec plusieurs emplois, sont aussi exemptés.
Qu'en pensent les syndicats et le patronat ? Certains syndicats craignent que ces exemptions ne diminuent la portée de cette mesure. "Malheureusement le dispositif dérogatoire est tellement large qu'il y a fort à craindre que les 24 heures ne soient pas vraiment effectives", estime Agnès Le Bot de la CGT. Un constat que les entreprises sont très loin de partager, au vu, disent-elles, de la difficulté à négocier des dérogations. Le patronat reconnaît avoir mal anticipé cet aspect. Le rapport de forces avantage les syndicats car les 24 heures s'appliqueront par défaut.
Pour Hervé Garnier de la CFDT, "la multiplication des recours au temps partiel a été longtemps la facilité". Si les entreprises "acceptent de négocier l'organisation du travail, au bout du compte le bénéfice sera pour tout le monde", dit-il.
La CGPME tire la sonnette d'alarme. Alarmiste, la CGPME (petites et moyennes entreprises) affirme que dès janvier, "de nombreux employeurs" renonceront à embaucher et "des demandeurs d'emploi resteront au chômage". "Tout le monde sera perdant" et en 2016, "si rien n'est fait, des dizaines de milliers d'emplois disparaîtront", affirme l'organisation patronale.
Seulement deux accords déposés. Sur plusieurs centaines de branches, dont trente spécialement concernées, seuls deux accords (centres sociaux et enseignement privé) ont été officiellement déposés, selon le ministère du Travail.
"On nous demande de faire travailler plus mais on n'a pas de travail à proposer", estime pour sa part, Bernard Morvan, président de la fédération de l'habillement. Plutôt que d'embaucher un temps partiel à 24 heures, l'employeur préfèrera "augmenter le temps de travail des autres, réorganiser ou optimiser les heures d'ouverture", prédit-il. Dans sa branche, les négociations pour une durée minimale de 20 heures ont échoué.
Que dit le ministère du Travail ? Le ministère du Travail se montre confiant sur des accords en particulier dans les secteurs où le temps partiel réduit est lié à l'activité. C'est le cas de ceux qui connaissent des fluctuations d'activité (tourisme, activités liées au temps scolaire...) ou encore les métiers du commerce avec de fortes amplitudes horaires comme la boulangerie. "L'enjeu, ce n'est pas de supprimer le temps partiel", mais de pousser les entreprises à "bien l'organiser", pointe le ministère, rappelant qu'il s'agissait de lutter contre le temps partiel subi, qui représenté près d'un tiers des cas.
Un casse-tête "juridique" ? Reste que pour les juristes, le dispositif est "déjà un vrai casse-tête", comme le souligne Etienne Pujol, avocat au cabinet Granrut (syndicat Avoisial). Ses collègues, Sylvain Niel de Fidal et Déborah David chez JeantetAssociés voient venir les contentieux en nombre. Première source de litige : le fait que la loi permette à un salarié déjà en contrat de réclamer de passer à 24 heures, ce que l'employeur peut refuser pour raisons économiques.
Autre point qui pose problème : la dérogation à la demande du salarié. Elle contient un "effet pervers" pour Agnès Le Bot (CGT) qui doute du "degré de volontarisme" réel. "On ne tient pas le stylo, il faut que la demande émane de celui qui postule", souligne Bernard Morvan, qui s'attend toutefois à ce que certains chefs d'entreprise soient tentés de la solliciter. "Si on observe ce genre de pratiques de façon systématique, on fera requalifier les contrats", prévient la CFDT.