La Russie est au bord du gouffre, et rien ne dit qu'elle n'y tombera pas. Standard & Poor's (S&P) a abaissé d'un cran la note de la Russie, désormais fixée à "BB+", la faisant du coup passer dans la catégorie "spéculative". Pour justifier sa décision, S&P, qui n'exclut pas d'abaisser encore cette note, a mis en avant la détérioration de la flexibilité monétaire du pays, ainsi que la dégradation de ses perspectives de croissance. Une note que conteste toutefois Moscou, pour qui l'examinateur a mal fait le job… voire s'est laissé influencer. Décryptage.
Une "note spéculative", ça veut dire quoi. Pour rappel, les notes servent à indiquer, à ceux qui seraient tentés d'investir en Russie, si c'est un bon plan ou non. Moins une note est élevée, moins, selon l'agence, il y a de chance d'avoir un retour sur investissement. En dessous de BB+, la note passe de la catégorie "investissement" à "spéculative". En clair, l'agence indique clairement que l'investisseur prend un risque, que c'est un pari, et qu'il n'est plus du tout sûr de revoir son argent.
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Quelles conséquences ? Ce passage en catégorie "spéculative" va automatiquement écarter la dette russe du portefeuille de certains investisseurs, et risque donc d'accélérer les fuites de capitaux massives causées par la crise ukrainienne. Fin décembre, Alexeï Oulioukaïev, le ministre russe de l'Economie, avait aussi estimé que si la menace d'abaissement de la note était mise à exécution, cela aurait des "conséquences matérielles" pour Moscou. La Russie pourrait se trouver contraint de rembourser de manière anticipée jusqu'à 30 milliards de dollars de dette.
Comment en est-on arrivé là ? La Russie traverse actuellement sa plus grosse crise depuis 10 ans. Le prix du baril de pétrole, dont dépend grandement l'économie en Russie, s'est effondré. Ajoutez à cela les sanctions économiques internationales contre le conflit en Ukraine, et vous avez une récession de -0,8% attendue pour 2015, après plusieurs années de croissance.
Résultat : le rouble a perdu près de 60% en un an, ce qui risque d'aggraver la récession. Pour la population, le risque est que les prix bondissent, surtout les produits importés, et donc que la consommation diminue. Pour l'Etat, le risque est que la dette explose. En effet, moins une monnaie a de valeur, plus il en faut pour rembourser sa dette. En 1998, le rouble avait déjà connu une vive descente aux enfers. Et la Russie avait dû se mettre en cessation de paiement.
"Une décision de Washington". Les autorités russes ont toutefois appelé à "ne pas dramatiser". "La décision qui a été prise démontre un pessimisme excessif et ne prend pas en compte toute une série de facteurs qui font la force de l'économie russe", a déclaré Anton Silouanov, le ministre des Finances, citant notamment le niveau élevé des réserves de devises étrangères dont dispose la Russie, actuellement à 379 milliards de dollars, et le faible niveau de la dette extérieure de la Russie.
Le vice-ministre des Affaires étrangères russe, Vassili Nebenzia, va même encore plus loin. "Le fait que cette décision ait été prise maintenant n'est pas étonnant: par une coïncidence étrange, elle correspond avec une nouvelle vague d'hystérie antirusse". Et de conclure, droit dans ses bottes : "je n'ai aucun doute sur le fait qu'elle a été prise pas sur suggestion, mais sur ordre direct de Washington".
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Pour rappel, la décision de S&P intervient dans une période d'accélération des violences en Ukraine. Des bombardements attribués aux séparatistes pro-russes ont provoqué la mort d'au moins une trentaine de personnes samedi à Marioupol. Les rebelles pro-russes avaient indiqué qu'ils attaqueraient ce port stratégique de l'Est. En réaction, plusieurs pays occidentaux ont récemment annoncé qu'ils aggraveraient les sanctions contre la Russie.