Depuis près de quatre mois, organisations patronales et syndicales sont censées trouver un accord pour moderniser le dialogue social. En clair, simplifier les relations entre les chefs d’entreprise, les employés et leurs représentants syndicaux pour qu’ils trouvent ensemble des accords sans intervention du politique. Sauf que les négociations ne cessent de patiner, repoussant à chaque fois un peu plus la signature d’un accord. Le blocage est tel que François Hollande lui-même est sorti de sa réserve lundi pour prévenir qu’un échec "aurait des conséquences qui iraient bien au-delà de cette réforme". Les partenaires sociaux ont jusqu’à jeudi pour se mettre d’accord, faute de quoi c’est le législateur qui décidera à leur place. Mais, au fait, quels sont les points de blocage ?
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Le "Conseil d'entreprise", l’hypothèse d’un guichet unique. Dans les entreprises de plus de 11 salariés, le patronat propose de remplacer le Comité d'entreprise, le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel par une instance unique : le "Conseil d'entreprise".
Mais du côté des syndicats, l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous : la CGT et FO sont fermement opposées à une fusion, tandis que trois syndicats (CFDT, CFTC et CFE-CGC) seraient prêts à accepter cette révolution si la nouvelle instance conserve les prérogatives des anciennes et les mêmes moyens.
Le représentant syndical et ses droits. Autre point de blocage : les syndicats réclament une révision à la hausse du nombre de représentants et heures de délégation, c’est-à-dire ces heures prises sur le temps de travail et payées par l'entreprise. Pour la CFDT, "on est encore largement en dessous de ce qui pourrait être acceptable". CFTC et CFE-CGC refusent aussi que les délégués syndicaux, qui conservent le privilège de négocier des accords d'entreprise, le fassent "au nom du conseil d'entreprise". Or, le patronat ne veut pas enlever cette mention. La CFTC croit y voir une volonté à long terme "d'affaiblir" le délégué syndical.
Les négociations obligatoires et leur pérennité. Actuellement, les rémunérations font l’objet d’une négociation annuelle sur les salaires, baptisée NAO, dans les entreprises de plus de 50 salariés. Un rythme que les organisations patronales aimeraient assouplir : ces dernières proposent que ces discussions n’aient lieu que tous les deux ou trois ans. Ce que refusent catégoriquement les syndicats, qui craignent que cela permettent surtout de limiter au maximum les augmentations salariales.
Tous les étages doivent-ils être consultés ? Enfin, des discussions animées entourent la rationalisation et la réduction du nombre de consultations du Conseil, avec la fin des double-consultations. Lorsqu'un projet concerne plusieurs établissements, le patronat veut que la consultation du "conseil central d'entreprise" suffise. Les syndicats font valoir que délégués locaux et centraux n'ont pas forcément la même appréciation, notamment en cas de réduction d'effectifs.
Quelle représentation dans les TPE ? Les très petites entreprises sont, elles, confrontées à un autre défi : apprendre à laisser aux salariés un espace d’expression et de dialogue. Car aujourd’hui aucune instance n’existe dans les entreprises de moins de 11 salariés et les TPE ne cachent pas leur peur d’une bureaucratisation du dialogue social. Pour y remédier, les syndicats proposent un "dispositif de représentation", allégé et externe, puisque ces sociétés ne sont pas assez grandes pour qu’y soit constitué un Comité d'entreprise ou encore un CHSCT.
Les syndicats proposent de confier cette mission à des commissions régionales interprofessionnelles, sur le modèle de ce qui existe dans l'artisanat. Mais pour le patronat, ces commissions n'auront qu'une mission de "conseil" et d'"information", et ne seront en "aucun cas" autorisées à "intervenir dans une entreprise". Pour la CFDT, elles doivent au contraire avoir un rôle de "médiation" et de "prévention" des conflits dans une entreprise. Dernière question, et pas des moindres : qui financera ces organismes, sachant que les petites entreprises refusent de mettre la main à la poche.