EPR Flamanville : un chantier qui accumule les retards

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GROS CONTRE-TEMPS - Censé devenir une vitrine du savoir-faire français, la centrale accumule les soucis. Sa mise en service a été reportée à 2017.

L’info. Ce devait être pour 2012, puis pour 2014 et pour 2016. Mais finalement, c’est en 2017 que devrait être mis en service le premier réacteur nucléaire français EPR de nouvelle génération, en construction à Flamanville, dans la Manche. EDF a officialisé mardi un énième retard de son chantier phare, au risque de raviver les débats sur cette nouvelle technologie. D’autant que d’autres problèmes ont déjà été identifiés.

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Un calendrier sans cesse modifié. Entamé en 2007, le chantier de l’EPR de Flamanville devait initialement être terminé en 2012. Une date qui n’a depuis cessé d’être reportée. Mardi, EDF a revu son calendrier pour la troisième fois en repoussant la mise en marche à 2017. "Les travaux préparatoires menés dans le cadre de la revue de projet qui se tiendra fin novembre avec l'ensemble des fournisseurs ont mis en évidence un décalage dans le planning du chantier. Le démarrage de l'installation est désormais prévu en 2017", a indiqué le géant français de l'électricité dans un communiqué.

De tels reports sont néanmoins monnaie courante lorsqu’il s’agit de projets aussi pharaoniques, d’autant plus que l’EPR est une nouvelle technologie. Mais il y a un hic : EDF était censée tirer les leçons du chantier d’Olkiluoto, en Finlande, où Areva avait construit avec Siemens le premier EPR au monde. Or, ce chantier collectionne également les contretemps et le réacteur devrait enfin y entrer en service en 2018, soit neuf ans de retard sur le calendrier initial.

Une facture multipliée par presque trois. Non seulement l’EPR de Flamanville ne sera pas livré à temps, mais son coût a explosé : il était censé avoisiner les 3,3 milliards d’euros mais, là aussi, EDF a dû refaire plusieurs fois ses calculs. Après avoir annoncé en 2011 une facture finale de 6 milliards d'euros, il est désormais question de 8,5 milliards. Et ce chiffre date de fin 2012, si bien qu’un nouveau surcoût n’est pas à exclure. Seule certitude, le devis initial a déjà explosé de près de 260%.

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Des malfaçons et des questions de droit social. Malgré cette facture en hausse continue et ces reports à répétition, l’EPR rencontre un autre problème : le travail n’est pas forcément bien fait. Maître d'oeuvre, EDF a confié à Bouygues la construction de la centrale, qui a lui-même fait appel à de nombreux sous-traitants. Quitte à flirter avec l’illégalité : le géant du BTP, ainsi que deux sous-traitants, seront jugés en mars 2015 pour avoir employé au noir 460 ouvriers étrangers. Et comme si cela ne suffisait pas, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) soupçonne que trois accidents du travail sur quatre n’ont pas été déclarés.

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De plus, les malfaçons se sont multipliées : une des sources proches du dossier a confié à l’AFP qu’"un défaut a été constaté dans une soudure réalisée entre un générateur de vapeur et une branche d'une boucle primaire de la centrale de Flamanville 3". Sans oublier les erreurs que ne cesse de révéler Le Canard Enchainé : une vanne du circuit de sécurité montée à l’envers par du personnel non qualifié, un béton de mauvaise qualité qui a provoqué des fissures dans l’enceinte interne du bâtiment abritant le réacteur, ou encore des erreurs de ferraillage.

Le nucléaire français n’en avait pas besoin. Cette cascade de bévues est d’autant plus embarrassante que la filière nucléaire française, censée être l’un de nos atouts, rencontre de nombreux problèmes. L’Etat n’ayant pas désigné de champion national officiel, EDF, Areva, GDF Suez et Alstom se sont souvent affrontés entre eux pour décrocher des contrats à l’étranger. Quitte à affaiblir les chances françaises et se faire doubler par d’autres pays qui n’envoyaient, eux, qu’un seul candidat. Enfin, pour ne rien arranger, les entreprises du secteur sont toutes en train de changer de direction.

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