Le tribunal de commerce de Paris va sceller lundi le sort de la compagnie de ferries transmanche SeaFrance, en liquidation depuis fin novembre et qui pourrait disparaître, faute de repreneur sérieux. Dans la dernière ligne droite, une toute dernière offre a fait son apparition : celle d'Eurotunnel, selon les informations révélées par Libération et depuis confirmées par le PDG d'Eurotunnel.
Dans un courrier adressé vendredi aux administrateurs judiciaires, Eurotunnel a exprimé "le souhait de pouvoir se porter acquéreur de tout ou partie des actifs de SeaFrance en vue de préserver les chances de recréer une activité maritime au départ de Calais". Et Jacques Gounon, le PDG d'Eurotunnel, de s'expliquer dans les colonnes de Libération : "mon principal souci, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de drame social à Calais".
Racheter les ferries pour les louer à la Scop
Reste un détail qui a son importance : cette offre ne serait valable que si le groupe SeaFrance cesse ses activités après avoir été liquidé. Dans le détail, Eurotunnel, qui gère actuellement le tunnel sous la Manche, se porterait acquéreur des ferries de SeaFrance, pour ensuite les louer à la Société coopérative ouvrière de production (Scop), qui reprendrait l'exploitation des lignes transmanches.
Ce projet de Scop est le seul présenté à la justice. Mais ce dispositif ne semble pas avoir reçu l'assentiment de la majorité des quelque 800 salariés : moins de 250 d'entre eux seraient prêts à y participer, selon des sources proches du dossier qui invoquent une "vraie défiance" vis-à-vis du syndicat CFDT porteur du dossier, objet d'un rapport cinglant de la Cour des Comptes.
Objectif : ne pas laisser la concurrence les mains libres
La proposition d'Eurotunnel, un groupe par ailleurs très lourdement endetté, peut étonner mais elle revêt aussi un aspect stratégique. Le groupe privé Louis Dreyfus Armateurs (LDA), qui est son principal concurrent, lorgne aussi sur les ferries de SeaFrance et pourrait les récupérer à "prix cassé" si le projet de Scop n'aboutit pas.
Ce spécialiste des liaisons transmanches sortirait alors renforcé avec une flotte plus nombreuse et une offre faisant un peu plus d'ombre à Eurotunnel. Ce dernier a donc décidé de se manifester "pour qu'ils (les navires) ne soient pas bradés", comme le reconnaît son patron, espérant ainsi faire monter les enchères. Outre cet aspect stratégique, Eurotunnel va mieux et espère ainsi être capable de proposer une offre enrichie, alliant transport ferroviaire et maritime.
Depuis la mi-novembre, les quatre navires de Seafrance sont retenus à quai en raison de craintes pour la sécurité. Ses clients ont été récupérés par le concurrent britannique P&O ainsi que par... Eurotunnel.
Le tribunal tranche lundi matin
Cette nouvelle offre de reprise réjouit néanmoins tous les acteurs du dossier."Toute marque d'intérêt d'une entreprise pour ce dossier est un bonne nouvelle", s'est félicité le ministre des Transports, Thierry Mariani, avant d'ajouter : "cela prouve que la ligne a un avenir entre Calais et Douvres. Il y aura quoi qu'il arrive quelqu'un pour exploiter cette ligne". Laurence Le Godinec, qui représente les salariés non-syndiqués, s'est déclarée "très surprise", avant de demander "plus de détails sur cette offre".
Le tribunal de commerce de Paris doit définitivement sceller le sort de la compagnie lundi matin, à moins que cette nouvelle offre n'offre un nouveau délai aux employés de SeaFrance, comme ils l'ont demandé lundi matin. Seul certitude, ce dossier est suivi avec attention par l'Elysée, qui a organisé dimanche une nouvelle réunion interministérielle pour défendre l'emploi, nouveau dossier prioritaire de Nicolas Sarkozy.
De leur côté, les marins de la compagnie entendent maintenir la pression sur les politiques et la justice : lundi matin, ils sont montés par dizaines dans des bus affrétés par la CFDT pour faire le voyage de Calais vers le tribunal de commerce de Paris.