Xylella fastidiosa, deux mots latins en apparence inoffensifs. Mais derrière eux se cache une bactérie, particulièrement dangereuse, qui s'attaque aux oliviers et aux arbres en général. Alors que la France a été touchée pour la première fois le 15 avril dernier, le comité européen des animaux et des végétaux se réunit lundi afin de dégager des solutions communes au continent. La France va y plaider pour des tests harmonisés de détection, des méthodes pour abattre les arbres malades et pour mieux contrôler le commerce de végétaux. Voisin de l'Italie déjà durement frappée, l'Hexagone, et plus particulièrement la Corse, est en effet en première ligne dans ce combat.
C'est quoi Xylella fastidiosa ? Cette bactérie, qui se répand en se faisant transporter par les insectes, est capable de s'en prendre à plus de 200 espèces, l'ensemble des arbres (olivier, prunier, amandier, chêne, caféier…) et certains végétaux (laurier, luzerne). Logée dans les canaux où circule la sève, elle se répand dans tout l'arbre et le dessèche peu à peu. Les insectes qui aspirent cette sève, deviennent, eux, des vecteurs potentiels de la maladie.
Si Xylella inquiète tant, c'est qu'il n'existe aujourd'hui aucun moyen efficace de lutte. Une fois un arbre atteint, la seule mesure est de l'arracher. Perversité de cette bactérie, certains plants, porteurs de Xylella, peuvent être asymptomatiques, c'est-à-dire qu'ils ne présentent aucun signe de la maladie, de quoi favoriser son expansion.
Les oliviers des Pouilles ravagés, la Corse menacée. L'Europe a été touchée pour la première fois par cette bactérie en 2013. Détectée sur des oliviers des Pouilles en Italie, elle a depuis fait des ravages. D'autant plus que cette région est l'une des premières productrices au monde d'huile d'olive. L'origine du mal ? Des plants de caféiers importés du Costa Rica. La perte pour l'agriculture locale se calcule pour le moment à 53 millions d'euros, une somme non négligeable pour cette région, déjà la plus pauvre d'Italie. En plus des Pouilles, Xylella a beaucoup voyagé autour du monde,s'implantant en Amérique du sud et du nord, au Japon et en Turquie.
Après les oliviers, la vigne ? La France, si elle craint pour son huile d'olive, peut aussi trembler pour son vin. La Californie, autre productrice de vin, en sait quelque chose qui, depuis 1880, voit ses cultures desséchées par Xylella. Et elle a même été obligée de procéder à des arrachages de vignes dans les années 1990 et utilise désormais des variétés tolérantes. Depuis, 29 autres états des États-Unis sont eux aussi concernés par la terrible bactérie.
L'arrivée de Xylella en France serait une catastrophe. Si la production d'huile d'olive française n'est que la 17e au monde avec seulement 4 millions d'oliviers exploités, la vigne elle en vaut environ 7,4 milliards à l'export par an. Sans parler des 560.000 emplois que la production de vin génère.
Qu'a fait la France pour l'instant ? Le 15 avril dernier, la bactérie tueuse a été détectée au marché de Rungis, aux portes de Paris, dans des plants de caféiers en provenance d'Amérique centrale et qui avaient transité par les Pays-Bas. L'affaire démontre les failles par lesquelles Xylella se répand malgré des mesures de protection.
Le 2 avril, soit deux semaines avant cette découverte inquiétante, la France avait en effet décidé d'interdire les importations d'une centaine de végétaux de pays concernés par la bactérie, Italie comprise. Mais quid des végétaux qui transitent par d'autres ports européens avant d'arriver dans l'Hexagone ? La France essaiera de faire entendre sa voix lundi à Bruxelles afin que la lutte se fasse avec des outils communs à toute l'Union européenne.
Pour Xavier Beulin, président de la FNSEA, syndicat des exploitants agricoles, invité lundi sur Europe 1, "il faut éviter la propagation et l'apparition de mutants qui pourraient s'attaquer à la vigne". La discussion lundi à Bruxelles est primordiale car "ce n'est pas un pays seul qui peut avoir des moyens de lutte spécifiques".
Et que fait l'Italie contre Xylella ? Aujourd'hui, 10% des 11 millions d'oliviers des Pouilles italiennes sont infectés, 30.000 hectares sont d'ores et déjà perdus et au final, ce sont 60 millions d'arbres qui pourraient être attaqués. En plus d'abattre les arbres malades, l'Italie a décidé de délimiter une zone de 241.000 hectares afin de confiner la bactérie. Mais transportée par les insectes, elle arrive quand même à en sortir. Le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis a donc demandé d'élargir cet espace et de créer des zones tampons autour de chaque endroit infecté nouvellement découvert.
Phylloxéra, la dernière maladie qui a fait trembler la France. Dans la mémoire des viticulteurs français vit encore le terrible souvenir de la mort du vignoble français au 19e siècle. En cause ? Un puceron en provenance d'Amérique, nommé Phylloxera, qui s'en prend aux racines des plants de vignes. Découvert pour la première fois près d'Aix en 1867 et capable de se déplacer de racine en racine, de plants en plants ou bien dans les airs, le puceron se répand rapidement et ravage pendant 15 ans le vignoble français, ramenant la production nationale à 35% de sa valeur initiale. En 1900, l'Hexagone a perdu quasiment un million d'hectares, un véritable cataclysme économique.
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