Le boom. Ils ont décidé de partir à la retraite avant l'âge légal de 62 ans. Pas moins de 145.000 salariés du secteur privé ont opté pour un départ anticipé en 2013, soit 70% de plus qu'en 2012, selon des chiffres de la Caisse national d'Assurance vieillesse (Cnav) relayés mardi par Les Echos. Un boom qui fait suite au décret signé en novembre 2012, élargissant le dispositif. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ? Eléments de réponse.
Le départ anticipé, ça marche comment déjà ? Le départ anticipé, c'est ce dispositif qui permet de partir en retraite avant l'âge légal, en fonction de l'âge auquel on a commencé à travailler et du nombre d'années travaillées. La réglementation actuelle vient d'un décret de novembre 2012 signé François Hollande, venu assouplir un dispositif en vigueur depuis 2003. Depuis novembre 2012, tout salarié peut partir avant 62 ans s'il a commencé à travailler avant ses 20 ans, et s'il a cotisé assez d'annuités pour partir en retraite. En résumé, quelqu'un né après 1973, qui a commencé à travailler à 17 ans et qui a travaillé 43 ans pourra partir à 60 ans.
Avant ce décret, le dispositif de départ anticipé, crée en 2003, ne concernait que ceux qui avaient commencé à travailler avant 17 ans. Et il fallait alors travailler deux ans de plus que la durée de cotisation légal.
Un "élément de justice" pour les salariés… Pour les partisans de l'assouplissement décidé par François Hollande, le boom de départs anticipés recensé en 2012 n'est pas une mauvaise nouvelle mais un "élément de justice". "Le critère principal de départ à la retraite ne doit pas être l'âge, mais le nombre d'années travaillées. Ce décret de 2012 corrige une injustice", défend ainsi Jean-Louis Malys, le monsieur retraites de la CFDT, contacté par Europe1.fr. "On ne s'inquiète pas de ce boom, on s'en félicite", poursuit le syndicaliste. D'autant que selon l'organisation, les départs anticipés peuvent libérer des postes dans les entreprises et ainsi faire baisser le chômage.
Cet "élément de justice" est d'ailleurs souvent donné en gage aux syndicats et aux salariés pour adoucir une réforme des retraites plus rude. "Pour faire accepter un relèvement de l'âge légal de départ ou de la durée de cotisation, les gouvernements, de droite comme de gauche, créent de nouveaux droits pour une retraite anticipée", résume ainsi Etienne Lefebvre, éditorialiste dans les Echos.
En 2003, après de rudes négociations avec la CFDT, François Fillon, ministre des Affaires sociales, a ainsi accepté d'intégrer un tel dispositif à sa réforme, qui prévoyait allongement de la durée de cotisation et report de l'âge légal. Idem en 2011, où la mesure est élargie aux travailleurs handicapés. Et en 2012, où le décret Hollande est publié quelques mois avant la dernière réforme des retraites.
… Mais un danger pour les finances publiques ? Ces gages donnés aux salariés risquent toutefois de coûter cher à la Sécurité sociale. En 10 ans d'existence, les divers dispositifs de départ anticipé ont coûté plus de 15 milliards d'euros. Soit plus du double des économies attendues avec l'allongement de la durée de cotisation prévu par la dernière réforme des retraites. Et la tendance des départs anticipés ne devrait pas être à la baisse : à compter de 2015, la pénibilité entrera aussi en compte dans la possibilité de partir avant l'âge légal. D'ici 2020, le nombre de départs devrait s'élever, en moyenne, à 180.000 par an.
"A chaque fois, les motifs invoqués sont parfaitement légitimes : les salariés ayant commencé très jeunes cotisent plus que les autres sans en tirer bénéfice, les personnes effectuant des tâches pénibles ont une espérance de vie moins longue etc. Mais au final, les dispositifs s'empilent et les déficits avec. Les réformes des retraites ne permettront pas de ramener les comptes à l'équilibre, loin de là", tacle Etienne Lefebvre, des Echos.
Les départs en retraite anticipée sont d'ailleurs dans le collimateur de l'OCDE, qui dénonce régulièrement les effets secondaires d'un tel dispositif. "La France aura besoin dans le futur de plus de gens au travail pour supporter le poids de ceux qui seront plus nombreux à la retraite", prévenait l-organisation intergouvernementale en 2003, demandant un "changement d'attitudes de la part des entreprises, des salariés et des pouvoirs publics".
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