ArcelorMittal s'apprête-t-il déjà à désavouer Jean-Marc Ayrault? C'est la crainte formulée dimanche soir par Edourard Marin, le leader syndical de la CFDT à Florange. Selon lui, le groupe est sur le point de couper l'alimentation en gaz des hauts fourneaux. Deux jours après que le Premier ministre ait assuré que l'accord avec le sidérurgiste prévoit le maintien du site, le syndicaliste voit, lui, venir une "mort certaine" de l'usine.
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"Je viens d'apprendre qu'apparemment Mittal va procéder dans les prochains jours à l'arrêt de l'alimentation en gaz des hauts fourneaux qui sont toujours en chauffe, ce qui veut dire que c'est la mort définitive des hauts fourneaux. L'outil est cassé et je ne comprends pas que l’État puisse accepter ça", a alerté Edouard Martin sur France 3. "Si jamais l'information est confirmée par le gouvernement, je considère ça comme une très haute trahison d'Etat et, personnellement, je n'irai pas à Matignon mercredi", a-t-il prévenu.
"Aux alentours du premier trimestre 2013"
Contactée par Europe1.fr, une source proche de la direction confirme que l'alimentation sera bien coupée, mais plutôt aux "alentours du premier trimestre 2013". Un peu plus tôt, le secrétaire général de la CFDT avait avancé sur RTL que l'alimentation sera coupée en avril 2013, disant avoir obtenu des garanties en ce sens de la part du gouvernement. "Ce sera probablement aux alentours de mars ou avril, le temps que les négociations se fassent avec les syndicats", confirme-t-on dans l’entourage de la direction.
ArcelorMittal maintient que "l'arrêt de l'alimentation ne signifie en aucun cas le démantèlement du site". "C'est comme lorsque un propriétaire quitte pendant un temps sa maison. Il coupe l'eau, le gaz et l’électricité. Mais il pourra tout rebrancher lorsqu'il revient", soutient la même source. "C'est sûr, on ne pourra pas les redémarrer en quelques semaines, et cela nécessitera quelques travaux. Tout comme un propriétaire qui laisse sa maison un temps sans entretien. Mais cela ne veut pas dire que les hauts fourneaux ne redémarreront pas."
Une affirmation qui laisse sceptiques les syndicats. Car si les "cowpers", des machines qui réchauffent l'air à 1.200 degrés avant de l'injecter dans les hauts fourneaux, sont bels et bien arrêtés, cela risque de créer un choc thermique nécessitant ensuite des réparations dont le coût pourrait s'élever à plusieurs centaine de millions d'euros.
Projet Ulcos, une illusion?
Après l'arrêt des hauts-fourneaux de Florange, officialisé le 1er octobre dernier, ArcelorMittal, avait laissé deux mois au gouvernement pour trouver un investisseur pour la "phase à chaud" du site. Des promesses de repreneurs qui n'ont jamais dévoilés leur nom à une menace de nationalisation temporaire, en passant par les diatribes d'Arnaud Montebourg sur le dirigeant d'ArcelorMittal, le dossier est allé de rebondissement en rebondissement.
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Jusqu'à l'annonce, vendredi soir par Jean-Marc Ayrault, d'un accord avec le sidérurgiste. Celui-ci aurait promis au gouvernement qu'il "n'y aura pas de plan social" et le " maintien en état des hauts fourneaux". "ArcelorMittal investira 180 millions d'euros sur cinq ans" dans le site, avait ajouté Matignon. Le gouvernement, lui, doit en investir 150. Le but : reconvertir l'usine en vitrine française d'une sidérurgie écologique, la classer dans le projet européen Ulcos et toucher en prime des subventions de l'Union européenne.
Mais l'illusion d'une telle solution a fait long feu pour les syndicats, qui ne croient pas que le groupe tiendra ses promesse, ni que l'accord n'épargnera les nombreux sous-traitants. Pour de nombreux analystes, même Lakshmi Mittal ne croit pas au projet Ulcos.
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Réunion à Matignon mercredi
"Une illusion de plus? La dernière? Quand bien même l'Europe retiendrait le site de Florange, il faudra encore persuader ArcelorMittal, ou, à défaut, un repreneur, d'investir plusieurs centaines de millions d'euros pour sa mise en œuvre. Les engagements financiers a minima consentis au gouvernement semblent indiquer que le géant indien n'y croit pas lui-même", tranche par exemple Pascal Gateaud, rédacteur en chef délégué de la revue spécialisée Usine nouvelle. Du côté du sidérurgiste, on se veut rassurant. "Nous soutenons toujours le dossier, assure une source proche de la direction. Mais cela ne dépend pas que de nous. Nous attendons la décision de subventions de l'Union européenne. Il va falloir moderniser les hauts fourneaux."
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Toutes les parties sont attendues mercredi à Matignon. À condition que les mauvaises nouvelles n'aient pas déjà eu raison d'un éventuel accord avant l'heure.