François Hollande tente de se trouver une nouvelle casquette : celle qui fera oublier les difficultés que rencontre son gouvernement en France et qui le différenciera de ses prédécesseurs. Quoi de mieux que de réussir là où les autres ont échoué en vendant des Rafales à l’international ? Nicolas Sarkozy avait crié victoire trop vite au Brésil, le retour de bâton a été rude. François Hollande a continué les négociations avec Brasilia, qui a préféré l’avion suédois, mais son regard est déjà tourné vers l’Est, où l’aviateur pourrait finalement décrocher ses premiers contrats.
De candidat à président. "Mon véritable adversaire, c'est la finance", avait lancé le candidat avant de rassurer la City avec un "I’m not dangerous". François Hollande sait adapter son discours à son public, une qualité fort appréciée en politique… et dans le commerce. En mars 2012, le candidat socialiste à la présidentielle dénonçait le gouvernement de Nicolas Sarkozy qui avait "trop souvent plié" devant des "intérêts privés ou financiers", parlant sans le citer de Dassault, entrant avec la bénédiction de Nicolas Sarkozy, au capital de Thalès.
En mai, de la même année, une fois élu, le président reprenait le dossier Dassault Aviation avec comme ambition de réussir là où son prédécesseur avait échoué : vendre un Rafale à l’étranger. Dans le commerce du bijou de Dassault, la continuité de l’Etat transcende l’appartenance politique, mais les méthodes de vente diffèrent.
La technique de Sarkozy. A crier victoire trop vite sur la vente des Rafale au Brésil, Nicolas Sarkozy a pêché par excès de confiance. A Abu Dhabi, l’ancien président a mis la pression autant que possible. "C'était une campagne politique orchestrée par Nicolas Sarkozy et non pas à l'initiative des industriels", rappelle un observateur à la Tribune. Autre erreur du précédent président : ne pas avoir conditionné la construction de la base française dans les Emirats à l’achat de Rafales.
Et la méthode Hollande. Le président en activité souhaite quant à lui se servir du terreau labouré par son prédécesseur pour imposer son style et ses avions. De passage dans les Emirats, en janvier, François Hollande a estimé que la vente de Rafale n’était qu'une "question de prix". Or Doha pourrait s’équiper de 60 appareils. Au Qatar en juin, le président a assuré avoir "parlé" de l’avion de combat et qu’il fallait "laisser les négociations se poursuivre". En jeu, 36 avions, et peu de contraintes sur les à-côtés du contrat. Et pour convaincre, François Hollande ne se contente pas d’un catalogue qui vanterait les mérites de l’avion de combat. Il témoigne de son efficacité sur le terrain "aussi bien en Libye que sur le théâtre malien".
Selon le Canard enchaîné, le président a également profité de sa visite dans la base française à Abu Dhabi pour rappeler aux pilotes que leurs avions pouvaient être envoyés au Mali et qu’"il faudra leur montrer (aux dirigeants du Golfe, ndlr) toutes les qualités du Rafale". Et d’ajouter : "C'est aussi un élément très important de votre mission : montrer que les matériels français sont les plus performants... Merci pour votre double mission : à la fois opérationnelle et... commerciale !". La guerre comme argument de vente ?
L’Inde en ligne de mire. "Nous avons de bonnes raisons de croire que sur l'Inde et sur le Golfe, il y aura bientôt des résultats", a lancé Jean-Yves Le Drian sur Europe 1 jeudi. François Hollande s’est déjà rendu en Inde en février pour faire la promotion du savoir-faire français, notamment dans l’aviation. Le Rafale est en négociations exclusives dans le pays depuis près de deux ans et le contrat porte sur 126 avions et plus de 12 milliards de dollars. Au cours de cette visite, le président a déclaré avoir "constaté des progrès dans la discussion » et avoir « bon espoir que nous pourrons parvenir à la conclusion". Jean-Yves Le Drian est également souvent dépêché pour s’assurer que les négociations avancent bien.
Mais rien n’est gagné. Dans le cas de l’Inde, il ne s’agit pas seulement de vendre les Rafales, mais aussi "d'aider le pays à développer une industrie aéronautique nationale", explique Eric Trappier, successeur d'Edelstenne à la tête de Dassault Aviation. Sur les 126 appareils prévus, 108 devraient être assemblé en Inde. Jean-Yves Le Drian l’avait assuré dès octobre aux Echos: il y aurait "un contrat Rafale en Inde en 2014". Un avis partagé par Olivier Dassault, un des administrateurs de Dassault Aviation et héritier de l'empire industriel français, interrogé mercredi sur LCI : "Je vous rappelle que l'Inde a pris la décision et qu'aujourd'hui, c'est une décision sur le plan technique. Mais la décision est prise. Donc il faut arrêter de dire que le Rafale n'est pas vendu".
Mais faute de chèque d’acompte encaissé, ces belles annonces pourraient exploser en plein vol.
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