Grèce - Allemagne : aux origines de la discorde

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CRISE DE LA DETTE - La chancelière Angela Merkel reçoit lundi son homologue grec Alexis Tsipras pour pacifier les relations entre les deux pays.

Les deux dirigeants se sont déjà vus jeudi à Bruxelles mais, visiblement, cela n’a pas suffi à apaiser leurs relations. Le Premier ministre grec et la chancelière allemande ont décidé de se retrouver à nouveau lundi à Berlin pour normaliser leurs relations. "C'est important car nous pourrons ainsi discuter de sujets qui mettent à mal l'Europe, ainsi que de l'amélioration des relations entre nos deux pays", a reconnu dimanche Alexis Tsipras. Et pour cause : depuis le début de la crise de la dette, les points de friction entre les deux pays sont nombreux et tout sauf anodins.

Berlin, premier prêteur à Athènes donc premier inquiet. Principale victime de la crise de la dette qui a secoué l’Europe à partir de 2010, la Grèce a rapidement appelé à l’aide. Les banques refusant de prêter davantage à Athènes après avoir perdu une partie de leur mise, ce sont les Etats de la zone euro qui sont venus au secours de la Grèce et se sont substitués aux investisseurs privés. Résultat, les pays de la zone euro et la BCE détiennent aujourd’hui près de 60% de la dette grecque, estimée à 320 milliards d’euros (soit 175% de son PNB).

Or il se trouve que le financement du mécanisme d’urgence européen respecte le poids respectif de chaque Etat-membre. En sa qualité de premier pays européen, de par sa population et son PIB, l’Allemagne est donc le premier contributeur du plan de sauvetage de la Grèce. Avec 56 milliards d’euros prêtés à Athènes, soit 690 euros par habitant, Berlin a de quoi se sentir concernée par la crise grecque, d’autant que la confiance n’est pas vraiment au rendez-vous.

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La Grèce, aux antipodes de la culture budgétaire allemande. L’Allemagne redoute de ne pas revoir cet argent, une crainte alimentée par une différence culturelle de taille. Car les deux pays n’ont pas grand-chose en commun lorsqu’il s’agit de gérer les comptes publics. D’un côté, l’Allemagne est très attachée à la rigueur budgétaire et a même inscrit dans sa Constitution une règle d’or : l’Etat n’a pas le droit de dépenser plus d’argent qu’il n’en encaisse. Un principe hérité de l’Histoire, le pays étant traumatisé par l’hyperinflation qui a marqué la république de Weimar et a en partie expliqué l’arrivée au pouvoir des Nazis en 1933. Facteur aggravant, l’Allemagne voit sa population vieillir et a tendance à épargner pour les prochaines années.

De l’autre, la Grèce s’est illustrée par une gestion très hasardeuse de ses comptes publics : entre 1826 et 1932, le pays a fait faillite cinq fois, se retrouvant à plusieurs reprises sous tutelle. Et l’appareil d’Etat a longtemps été critiqué pour son manque d’efficience et de transparence. Lors du déploiement du plan Marshall pour aider une Europe ruinée par la Seconde Guerre mondiale, l’administration américaine fait elle aussi part d’un choc de culture : "l’économie se trouve au point mort, alors que des sommes fabuleuses sont englouties dans des opérations financières frauduleuses et pour l’importation de produits de luxe", regrettait en 1949 le président de la commission américaine chargée de l’évaluation de la situation grecque. Une "tradition" perpétuée jusqu’au XXIe siècle, la Grèce ayant maquillé ses comptes entre 2001 et 2009 avec l’aide de Goldman Sachs.

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Une opposition devenue politique. La Grèce et l’Allemagne ont donc des traditions culturelles et budgétaires aux antipodes, une divergence qui s’est encore un peu plus creusée avec l’arrivée au pouvoir du parti de gauche radicale Syriza. Souhaitant tourner la page de l’austérité, il prône un plan de relance ainsi qu’un nouvel effacement de la dette. Une politique d’autant plus mal accueillie à Berlin que l’Allemagne est dirigée par la droite conservatrice depuis 2005, guidée par la rigueur budgétaire et le libéralisme. Bref, les deux pays sont politiquement incompatibles et ont le plus grand mal à discuter. D’autant plus qu’Athènes a besoin de l’argent de Berlin pour mener des politiques que la chancelière réprouve : à titre d’exemple, Athènes vient de faire voter une augmentation du salaire minimum quand l’Allemagne prône un choc de compétitivité.

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Un dialogue émaillé de provocations. Pour ne rien arranger, les relations entre les deux pays ont dérapé à plusieurs reprises : face à l’intransigeance de Berlin, la presse grecque n’a pas hésité à multiplier les Unes faisant le parallèle avec l’Allemagne nazie. Une provocation qui ne passe pas dans un pays qui estime avoir fait repentance et vit très mal ce genre d’attaque. Résultat, les tabloïds allemands ne se sont pas privés de répliquer, le quotidien Das Bild multipliant les Unes outrancières sur le "mensonge grec", sur "la manière dont l’Allemagne s’est faite bananée" par Athènes ou encore sur cette aide qui sert à payer les "retraites de luxe des Grecs".

De leur côté, les Grecs ont encore a l’esprit le souvenir d’une occupation nazie particulièrement douloureuse, mais aussi un précédent plus ancien : en 1830, après quatre siècles de domination ottomane et une nouvelle faillite, la Grèce devient un Etat souverain sous le parrainage de trois puissances tutélaires. Or la France, la Grande-Bretagne et la Russie installent au pouvoir Othon 1er, un roi… allemand, bavarois pour être précis, dont le bilan est plus que contrasté : refus d’embrasser la religion orthodoxe, mise en place d’une cour parlant allemand mais pas toujours grec, renvoi des soldats locaux pour faire venir des militaires allemands, dépenses somptuaires, etc… L’éphémère monarque n’a pas laissé un très bon souvenir.

La dette de guerre, un obstacle de plus. Comme si cela ne suffisait pas, un nouveau sujet de discorde est apparu début 2015 : les réparations demandées par la Grèce à l'Allemagne pour des crimes de la Seconde Guerre mondiale, un dossier que Berlin pensait définitivement clos. Le montant des réparations éventuelles réclamées pourrait atteindre 162 milliards d'euros, soit peu ou prou la moitié de la gigantesque dette du pays, selon des chiffres circulant à Athènes. Le prêt forcé datant de l'occupation nazie de la Grèce est quant à lui évalué à 11 milliards d'euros, en Grèce.  De quoi compliquer un peu plus des relations déjà très tendues, d'autant qu'Athènes a menacé de saisir des biens allemands s'il n'obtient pas gain de cause.

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