Compromis ou compromission ? Si la politique est affaire de compromis, Yanis Varoufakis, lui, a une peur bleue de sombrer dans la compromission. Poussé dans ses retranchements par ses créanciers, mis en difficulté par les injonctions de l'Eurogroupe et de la Commission européenne, le ministre des Finances grec a refusé de courber l'échine dans les négociations qui vont s'ouvrir lundi avec les ministres des Finances de la zone euro. En témoigne sa sortie très commentée, dans une interview parue dimanche dans le journal italien Corriere della Serra. L'ancien économiste avait agité le chiffon rouge d'une possible tenue d'un référendum et d'élections anticipées en Grèce.
Une manière de dire qu'Athènes pourrait faire prévaloir sa souveraineté nationale et décider de son avenir sans consulter l'Union Européenne. Un moyen de pression qui montre bien l'ambition de Yanis Varoufakis et de tout le gouvernement d'Alexis Tsipras de ne pas renoncer à ses promesses électorales, à savoir renouer au plus vite avec la croissance et l'emploi en Grèce. Mais ces déclarations crispent les créanciers d'Athènes, et inquiètent les Grecs.
Varoufakis manie le bâton et la carotte pour sauver son pays. Malgré cette sortie fracassante, Yanis Varoufakis sait qu'il ne peut pas faire abstraction du rapport de force défavorable dans lequel le pays se trouve vis-à-vis de ses créanciers. C'est pourquoi il avait par exemple affirmé qu'il comptait rembourser "en priorité" le FMI : "Nous ferons sortir le sang de la pierre pour y parvenir", avait promis l'argentier grec. En alternant signes de bonne volonté et menaces, Yanis Varoufakis tente comme il le peut de grappiller du temps et de l'argent à ses créanciers.
L'objectif principal de cet économiste qui revendique son inspiration marxiste n'a rien de révolutionnaire : il espère obtenir de la BCE qu'elle reverse à Athènes les 1.9 milliard d'euros qu'elle a gagnés en achetant des obligations grecques. Un pécule indispensable pour le pays, si le gouvernement veut respecter le calendrier des remboursements très lourd du mois de mars : Alexis Tsipras et ses ministres doivent en effet reverser 6 milliards d'euros d'ici la fin du mois, dont la majorité au FMI.
Critiqué dans son propre camp. Sorties médiatiques fracassantes, personnage charismatique dont se délecte la presse, Yanis Varoufakis fascine autant qu'il énerve, parfois même jusque dans son propre camp. Avgi, le journal du parti Syriza, a récemment dénoncé la "surexposition médiatique toxique" de son économiste en chef, lui demandant d'être plus "concis" dans ses déclarations. "Yanis, n'en fait pas trop", interpelle Avgi, "parce que l'économie, ce n'est pas seulement savoir gérer le budget, c'est aussi savoir être économe de ses mots". Même son de cloche entendu du côté d'Alexis Tsipras qui a demandé à son ministre de parler moins et d'agir plus".
Outre les dizaines d'interviews qu'il a données dans la presse internationale, Yanis Varoufakis tient également un blog et un compte Twitter (en anglais) qu'il alimente abondamment. Les partisans de Syriza et une partie de la population grecque dans son ensemble lui reprochent de manquer de réalisme, voire de décrédibiliser le pays lors des négociations. Un sondage, rapporté par Le Monde, établit que 69.9% des grecs pensent qu'Athènes devrait trouver "un compromis honorable" pour résoudre la crise.
La Grèce craint d'être décrédibilisée. Une des propositions intégrées au plan de réformes qu'il a présenté devant l'Eurogroupe est particulièrement décriée : la possibilité pour les étudiants, les propriétaires et mêmes les touristes de participer au travail de contrôle fiscal, l'un des grands chantiers grecs. " Si ce n'était pas tragique, ce serait drôle de constater qu'un gouvernement d'un pays industrialisé en arrive à de telles propositions", confiait en aparté un membre de l'Eurogroupe au Financial Times. Des critiques que les adversaires politiques de Syriza n'ont pas hésité à exploiter à fond. Costas Karagounis, le porte-parole de Démocratie Nouvelle, un parti de centre-droit grec, déplorait que Varoufakis "expose le pays au ridicule".
En surfant sur la vague de popularité suscitée par la victoire de Syriza puis en capitalisant sur sa forte exposition médiatique, Yanis Varoufakis a pu faire entendre sa voix. Face aux critiques à son encontre, il semble avoir compris qu'il lui fallait faire profil bas. Lors de sa dernière conférence de presse à Athènes, il s'est contenté de lire son communiqué sans répondre aux questions des journalistes. Signe que ce novice en politique sait moduler son comportement en fonction de la situation. Et faire profil bas.
>> LIRE AUSSI - Blocage entre l'Eurogroupe et la Grèce : pourquoi ça coince
>> LIRE AUSSI - Les mesures que propose la Grèce