Sortir la Grèce de la zone euro ? Il y a encore quelques semaines, la simple évocation de cette hypothèse provoquait des cris d’orfraie de la part des dirigeants européens, qui brocardaient l’aberration économique d’une telle exclusion. Aujourd’hui, le ton a changé. L’annonce d’un référendum sur le plan d’austérité européen a fait voler en éclat ces certitudes. Et de plus en plus de voix s’élèvent désormais pour plaider pour un retour du drachme à Athènes.
Merkel et Sarkozy "convaincus" en septembre
En septembre, alors que le gouvernement grec ne parvenait pas à appliquer dans les temps son programme d’austérité, la réponse à une telle question était nette, tranchée. Angela Merkel évoquait un "effet domino qui serait extrêmement dangereux pour notre système monétaire". La chancelière allemande avait également jugé qu’une telle option était impossible "d’un point de vue technique et juridique".
A l’issue d’une conversation téléphonique avec Nicolas Sarkozy, les deux dirigeants s’étaient dits "convaincus" que l'avenir de la Grèce se trouvait dans la zone euro. A la fin du mois de septembre, Nicolas Sarkozy avait reçu le Premier ministre grec George Papandréou. "L’échec de la Grèce serait l’échec de toute l’Europe", avait déclaré le président de la République à l’issue de la rencontre. "Il n’est pas possible de laisser tomber la Grèce pour des raisons économiques et pour des raisons morales", affirmait Nicolas Sarkozy.
"L'euro et l'Europe peuvent survivre à ça"
Mercredi, à Cannes, le ton a sensiblement changé. Le président français a ainsi plaidé mercredi soir pour que la question du référendum posée aux Grecs concerne directement cette option. "La Grèce doit décider si elle veut rester dans l'euro", a martelé Nicolas Sarkozy à l’issue de rencontre entre dirigeants européens. Et George Papandréou, l’homme au cœur de toutes les critiques pour son initiative, l’a lui-même reconnu. "L'enjeu est de savoir si nous voulons rester dans la zone euro. C'est très clair", a déclaré le Premier ministre grec.
Alors les langues se délient. "Il ne faut pas se faire d'illusion, si la Grèce ne veut pas le plan, elle n'aura pas l'argent", a asséné Jean Leonetti, le ministre des Affaires européennes, jeudi sur RTL. "Vous ne pouvez pas avoir la solidarité de 17 pays sans avoir la contrainte, la discipline budgétaire. Et dans ce cas, le pays va à la faillite, et il sortira obligatoirement de la zone euro", a-t-il prévenu, avant d’assurer : "L'euro et l'Europe peuvent survivre à ça". Jean Arthuis, ex-président de la commission des Finances au Sénat, minimise lui aussi a priori un tel scénario. "Je ne crois pas que c'est toute la crédibilité de la zone euro qui pâtirait de la sortie de la Grèce car le partenaire grec n'a pas joué le jeu", a expliqué l’ancien ministre des Finances sur France info. "Je ne crois pas que ce soit la fin de la zone euro".
Même ceux qui plaident pour le maintien de la Grèce dans la zone euro semblent avoir intégré la faisabilité de cette hypothèse. François Bayrou a ainsi évoqué une "catastrophe nucléaire" potentielle. "Tout d'un coup, votre dette himalayenne est multipliée par 2 ou 3, le niveau de vie s'écroule", a prévenu le président du Modem. Le socialiste Michel Sapin abonde. "Cela voudrait dire un appauvrissement soudain de l'ensemble de la Grèce dans des conditions absolument terribles", a estimé mercredi soir, lors du Talk orange-Le Figaro, l’ancien ministre de Finances, proche de François Hollande. Enfin Jean-Claude Juncker, chef de file des ministres des Finances de la zone euro, s’est dit "absolument convaincu que tout doit être fait pour qu'aucun des membres de la zone euro ne sorte du groupe de dix-sept".
"Enlevez l’euro aux Grecs !"
De son côté, le quotidien allemand Bild, baromètre de l’opinion publique allemande, ne s’embarrasse pas d’un langage policé. Furieux contre le référendum grec, le populiste journal plaide pour un référendum… en Allemagne. "Enlevez l'euro aux Grecs", titrait jeudi le tabloïd, qui réclame que le peuple allemand puisse se prononcer pour "sortir les Grecs en faillite de la zone euro". Bild interpelle la chancelière Angela Merkel. "Madame Merkel, nous voulons aussi décider si nous continuons d'aider les Grecs avec des milliards" d'euros. Le quotidien populaire, le plus vendu d'Allemagne, dénonce aussi "le bazar grec, la gabegie", son Etat "pourri et corrompu".
Enfin, ultime signe que l’hypothèse de la sortie de la Grèce de la zone euro est dans l’air du temps : en Angleterre, où l’on parie sur tout et n’importe quoi, des bookmakers proposent de parier sur ce scénario. Et la cote est des plus élevées, de l’ordre de 1,5 contre 1.