Le projet de texte proposé est "déraisonnable" et "inacceptable" a déclaré un responsable du gouvernement grec, lundi, à l'issu de l'Eurogroupe. "Dans ces circonstances, il ne peut pas y avoir d'accord aujourd'hui", a ajouté le responsable. Les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis lundi pour résoudre le cas de la dette grecque. Faute d'accord, les négociations devront être repoussées.
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L'enjeu est faramineux pour la Grèce : il s'agit de trouver comment se financer à court terme, et comment faire repartir la machine à long terme. La dette du pays atteint 175% du PIB. Et le programme d'aide internationale prend fin le 28 janvier.
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Au-delà, il y a deux voies possibles. Celle prônée par l'Allemagne, premier créancier d'Athènes, consiste à accorder un nouveau prêt international en contrepartie de nouvelles mesures d'austérité, notamment faites de coupes dans la dépense publique. En clair, Berlin ne veut rien changer à ce qui se fait depuis 2008. Et pour cause : cela commence tout juste à porter ses fruits. Certes, la Grèce a perdu 27% de PIB durant cette période et la dette est passée de 107% à 175%. Mais la croissance repart depuis l'an dernier et, hors paiement de la dette, le pays est redevenu excédentaire.
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Pourtant, Alexis Tsipras et son nouveau gouvernement anti-austérité prônent une révision de la mécanique du plan d'aide. Ils réclament un allégement de la dette, afin de financer des réformes sociales et des mesures de relance de la croissance. Tsipras veut faire de la Grèce un "exemple positif de progressisme en Europe", selon ses déclarations de campagne.
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Étape 1 : la Grèce se rapproche de l'OCDE. Pour parvenir à ses fins, Alexis Tsipras, leader de la gauche radicale, s'est rapproché de l'OCDE, chantre du libéralisme. La Grèce, en tout cas dans la tête d'Alexis Tsipras, a besoin de conseillers désintéressés. L'OCDE représente donc une opportunité toute trouvée. L'Organisation de coopération et de développement économiques prodigue des conseils mais ne prête pas d'argent. Elle ne demande donc pas de contrepartie à ses conseils.
"Une commission de coopération sera mise en place pour élaborer un accord sur des réformes qui vont relancer la croissance (...) et auront un objectif social", a indiqué Alexis Tsipras la semaine dernière. "Cette coopération va se faire non sur la base de ce qui avait été décidé auparavant", les plans d'aide des créanciers du pays, "mais sur la base du mandat du peuple", a poursuivi le dirigeant.
"On n'est pas ici pour dire à la Grèce ce qu'elle doit faire, mais pour lui donner des outils déjà utilisés par d'autres gouvernements pour résoudre les mêmes problèmes", a pour sa part souligné le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria.
Étape 2 : elle fait des réformes structurelles… Mais à quoi va bien pouvoir servir cette "coopération"? Le rôle de l'OCDE est d'impulser des réformes structurelles, qui peuvent avoir des conséquences durables sur l'économie grecque, bien que lente à mettre en œuvre. "Certaines mesures sur l'éducation, sur la justice sociale, sur la lutte contre la corruption, sur le regain de compétitivité prennent du temps, les changements ne pourront être observés que sur le long terme. Mais nous sommes prêts à travailler avec vous sur ces points", a détaille Angel Gurria.
Concrètement, cela pourrait se traduire par une simplification de l'administration publique ou une flexibilisation du marché du travail par exemple. Autant de mesures prônées par l'OCDE et loin d'être appliquée en Grèce aujourd'hui. "Le marché du travail y est très rigide par exemple. Une entreprise en difficulté ne peut pas facilement baisser le temps de travail ou les salaires. Il n'y a pas de chômage partiel. Elle est obligée de licencier", détaille Jesus Castillo, économiste chez Natixis et spécialiste de la Grèce, contacté par Europe1.
Étape 3 : elle accompagne ses réformes d'un plan de relance. Si l'économie grecque repart, le pays redeviendra solvable. Et l'austérité ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Mais que faire en attendant que ces mesures produisent des effets ? La Grèce peut emprunter à la troïka (Union européenne, BCE, FMI) et poursuivre la réduction de dépense publique, comme le prônent les Allemands. Mais la solution n'emballe pas vraiment Alexis Tsipras, qui préfèrerait échelonner et alléger la dette pour pouvoir investir dans son pays.
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Pour Jesus Castillo, les éventuelles mesures impulsées par l'OCDE gagneraient effectivement à être "accompagnée". "On pourrait imaginer que certaines dépenses publiques, dans les infrastructures par exemple, ne soient pas prises en compte dans le calcul du déficit. À condition que cela soit intelligent. Construire une autoroute qui ne dessert personne, ça ne fait pas de la croissance".
Quant aux promesses sociales de Syriza, une bonne partie "paraissent acceptables", selon Jesus Castillo. "Les partenaires européens doivent comprendre le cas d'extrême pauvreté des Grecs. Donner à certains un accès gratuit au soin ou à l'électricité, ce n'est pas inacceptable dans une zone aussi riche que la zone euro". Quid du Smic, que Tsipras veut voir augmenter de 26% ? "Il faut voir dans quelle mesure les entreprises peuvent l'encaisser. Mais est-ce que cela relancerait l'économie et la consommation (comme le pense Syriza)? Il y a probablement une part de vrai, à condition d'assurer le financement d'entreprises grecques. Sinon, il n y'aura pas assez d'offres et les Grecs consommeront des produits importés", poursuit l'économiste de Natixis. Qui conclut : "le tout sera de trouver un équilibre entre la création d'emploi et le respect des salariés".