En annonçant lundi l’achat de la société Instagram pour un milliard de dollars, Facebook a surpris. Le réseau social a en effet dépensé une somme plus que conséquente pour une société n’ayant même pas deux ans d’ancienneté et employant quatorze personnes. Cette opération est-elle une bonne affaire ou l’indice qu’une nouvelle bulle spéculative est en train de se former ?
Les raisons de cet achat coûteux
Facebook a mis la main sur Instagram avant tout parce cela lui permet d’acquérir un outil informatique facile d’utilisation et à la popularité croissante. "Instagram apporte une expertise, une solution plus simple : là où il fallait six clics pour mettre en ligne une image sur Facebook, deux clics suffisent avec Instagram", rappelle pour Europe1.fr Leslie Griffe de Malval, analyste gérant du secteur Info-Tech chez IT Asset management.
"Si Facebook réalise cette opération, c’est parce que les photographies occupent une place importante dans son modèle. Cela fait partie du cœur du service offert par Facebook mais il est allé tardivement sur le mobile. Or la nouvelle génération utilise Internet de plus en plus sur des terminaux mobiles", ajoute-t-il.
"La photo, c’est vraiment important", renchérit Jean-Louis Constanza, patron de la filiale innovation d’Orange, mardi sur Europe 1. "On prenait 60 milliards de photo en 1990, 80 milliards en 2000 et… 380 milliards en 2010. La photo est donc devenu quelque chose d’essentiel pour les gens et donc d’essentiel pour Facebook. On va vers 10% des photos du monde entier qui vont être sur Facebook", précise-t-il.
Comment est calculée la valeur d’une société Internet
Au-delà du débat sur l’aspect stratégique de la gestion en ligne des photographies, une question se pose : comment en est-on arrivé à une facture de un milliard de dollars, soit 760 millions d’euros ? A titre de comparaison, des sociétés comme Canal+ ou Meetic sont respectivement évaluées à 576 et 272 millions d’euros.
Pour calculer la valeur d’une société, "on peut d’abord s’appuyer sur les brevets, soit raisonner en nombre d’abonnés, soit s’appuyer sur des négociations lors de récentes tentatives d’achat", précise Leslie Griffe de Malval. D'après des sites internet spécialisés comme TechCrunch et All Things Digital, Instagram valait 500 millions de dollars. Mais il avait un atout de poids : il a réussi à séduire près de 30 millions d'utilisateurs en un peu plus d'un an.
Facebook n’a-t-il pas payé trop cher ?
L’entreprise de Mark Zuckerberg a donc payé le double de la valeur estimée d’Instagram. Mais il y a un bémol : "Facebook paye en cash mais aussi en titres boursiers qui ne lui coûtent presque rien", rappelle Leslie Griffe de Malval.
Cet achat à un milliard de dollars a donc probablement été effectué en majorité grâce à un transfert d’actions. Quand bien même Facebook aurait vraiment dépensé un milliard, il s’agit d’un investissement stratégique. "Même s’il est en position dominante, Facebook ne peut pas s’endormir sur ses lauriers. D’autant que cela va très vite dans les nouvelles technologies, comme l’ont montré les problèmes de Motorola ou Yahoo ! ", tient à rappeler Leslie Griffe de Malval.
Interrogé par ZDNet, Christophe Léon, patron de l’agence de conseil en stratégie mobile Pure Agency, estime néanmoins que Facebook aurait pu se passer d‘un tel achat. "Objectivement, il faut un mois maximum pour développer un produit similaire et même mieux, comme il en existe déjà pléthore sur l'Appstore", estime-t-il, avant de s’interroger : "les équipes de Facebook doutent-elles à ce point de leur capacité à innover et à sortir des services "sexys" ?
La crainte d’une nouvelle bulle Internet
Lorsque plusieurs sociétés d’un même secteur sont systématiquement surestimées, la formation d’une bulle spéculative est souvent à craindre. L’engouement pour Internet à la fin des années 90 s’était ainsi traduit par l’explosion en Bourse des sociétés AOL, eBay ou encore Amazon…avant une chute brutale en 2000.
Cet achat est-il le signe avant-coureur d’une nouvelle bulle Internet ? Assurément, si on en croit Christophe Léon, persuadé que "rien ne justifie une telle valorisation" "Il faut vraiment se dire que la bulle du social et du mobile est énorme et qu'elle n'a pas fini de gonfler...", pronostique-t-il.
"Une bulle comme on en a connu en 2000 et 2001, certainement pas", nuance Leslie Griffe de Malval, avant de se justifier : "il n’y avait alors pas de réseaux, le consommateur n’était pas éduqué, le marché n’était pas là. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : les forfaits internet sont abordables, le consommateur a pris des habitudes, fait ses courses en ligne, etc. "
"Je ne pense pas qu’on assiste à l’éclatement d’une nouvelle bulle Internet", en conclut-il, sans écarter une telle possibilité pour le seul secteur des réseaux sociaux. "Pour la partie réseaux sociaux, je serais plus prudent, surtout avec ceux dont le business model n’est pas éprouvé. Linkedin a un modèle clair alors que je me pose des questions sur la manière dont Twitter va par exemple gagner de l’argent". Si investir dans l’Internet ne représente donc plus un pari périlleux, la prudence est de mise avec les réseaux sociaux.