Dégradée. Ce n'est pas l'un de ses 28 pays membres, mais l'Union européenne (UE) tout entière qui a cette fois été rétrogradée. L'agence de notation Standard & Poor’s (S&P) lui a retiré son AAA vendredi, pour sanctionner une dégradation de sa "cohérence". L’Europe vit désormais avec un AA+, comme les Etats-Unis. Le grand reproche fait au vieux-continent : les difficultés entre Etats à s’accorder sur le budget de l'Union.
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La colère des grands de l'Europe. "Les États membres ont toujours, y compris pendant la crise financière, apporté leur contribution au budget européen, et dans les temps", a immédiatement rétorqué le commissaire européen chargé des Affaires économiques, Olli Rehn. Il a surtout rappelé qu'en vertu des traités européens, le budget de l'UE ne pouvait pas être en déficit et que l'UE n'avait pas de dette. "C'est une analyse faite par des experts qui jadis, avant la crise bancaire, avaient trouvé que tout allait bien. Il faut toujours relativiser une opinion", a également taclé le Premier ministre belge, Elio Di Rupo.
>> Mais si l'UE n'a pas de dette, à quoi renvoie cette note ? A-t-elle vraiment un sens ? Comment donner une note commune à plusieurs pays ? On a demandé à Norbert Gaillard, consultant indépendant et auteur de l'ouvrage Les agences de notation (éditions La Découverte).
À quoi renvoie cette note exactement ? "Il y a plusieurs types de notes, y compris des notes dites 'abstraites'. Celle de l'Union européenne peut être considérée comme 'abstraite', c'est-à-dire non représentative d'un émetteur de dette précis. Elle donne une indication, un grand repère, de la solidité globale de cette zone en tant que zone économique".
Comment cette note a-t-elle été décidée ? "Il ne s'agit pas là de la même notation que pour celle d'un pays, pour laquelle l'agence envoie des analystes sur le terrain, rencontrer ceux qui détiennent les clés du Trésor. Dans ce cas là, S&P a dû faire une moyenne de la note des différents pays de l'Union européenne, en prenants en compte les différents paramètres fiscaux et macroéconomiques des différents pays, et en les replaçant dans le contexte politique et monétaire de la Zone euro".
Pourtant, si l'on fait la moyenne des notes des pays, on arrive à seulement AA… "La note AA+ attribuée aujourd'hui à l'Union européenne est pondérée en fonction du poids des pays. Beaucoup d'importance est en effet donnée à l'Allemagne, solide pilier de l'Europe. C'est grâce à elle que l'Union européenne a eu cette note de AA+. Car compte tenu de la situation de l'Italie ou de l'Espagne, elle aurait pu avoir une note encore moins bonne. D'ailleurs, si la France n'avait pas été dégradée par S&P (de AA+ à AA), la note de l'Union européenne n'aurait pas baissé du tout."
Cette dégradation est donc de notre faute ? "C'est parce que S&P a dégradé la France que l'Union européenne a été dégradée. La France est le second pilier de l'Europe et il existe encore des doutes sur son avenir. Même si la croissance tricolore revient, elle reste modérée. Et contrairement aux autres agences, S&P prend plus en compte le niveau de l'endettement que d'autres paramètres comme la croissance."
Cette note de l'UE a-t-elle vraiment un sens ? "Il ne faut pas y accorder trop d'importance. C'est surtout les politiques qui s'y intéressent. D'ailleurs, on devrait voir monter de nombreuses réactions. Les investisseurs, eux, ont d'autres moyens de se faire une idée. Et encore une fois, il s'agit d'une note abstraite. Et avec ce genre de note, c'est toute la signification d'une note qui est remise en cause. Il y en a qui peuvent être absurdes. Je pense par exemple au cas de la note dite 'plafonds/pays'. Compte tenu du contexte fiscal, économique et politique, on attribue la note maximale qu'un pays peut espérer. Pour la Grèce par exemple, les agences ont récemment donné un triple A. Ce qui est absurde. La note de l'Union européenne ressemble à ce type de note là".