Les prix à la pompe ne cessent de baisser et cela devrait continuer. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ?
Passer à la pompe est de moins en moins douloureux pour le portefeuille des automobilistes : les prix de l’essence ne cessent de reculer depuis cet été. Et cette baisse est tout sauf anecdotique : les tarifs des carburants n’avaient pas été aussi bas depuis 2010. Explication avec Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières.
Des prix qui ne cessent de baisser. Carburant privilégié des Français avec environ 80% des volumes vendus, le gazole a baissé de 1,01 centime en une semaine pour s'établir à 1,2136 euro le litre vendredi dernier, selon les chiffres hebdomadaires du ministère de l'Ecologie et de l'Energie. C'est 12,5 centimes de moins depuis le début de l'année, et le niveau le plus bas observé depuis le 3 décembre 2010, quand le litre de gazole valait 1,2023 euro. Pour un plein de 50 litres, cela représente une économie de près de 6,3 euros.
Les prix de l'essence sans plomb ont également poursuivi leur repli. Deuxième carburant le plus vendu dans l'Hexagone, l'essence sans plomb 95 s'affichait à 1,4067 euro le litre, ce qui représente une baisse de 0,75 centime d'une semaine sur l'autre. C'est également un niveau plancher depuis le 3 décembre 2010. Le litre de SP 98 a lui abandonné 0,77 centime à 1,4699 euro, le niveau le plus faible depuis le 31 décembre 2010.
Pourquoi une telle baisse des tarifs ? "Un peu plus d’offre, un peu moins de demande et les prix baissent", a résumé Patrice Geoffron, mardi matin sur Europe 1. Et ce dernier de détailler : "le pétrole, c’est un marché et sur un marché, à partir du moment où vous modifiez des éléments de l’offre et des éléments de la demande, le prix bouge. L’élément nouveau, comparativement à il y a quelques années sur l’offre, c’est le fait que les Américains sont redevenus de très grands producteurs avec le pétrole de schiste. (…) Du côté de la demande, la demande européenne est moins dynamique que ce qu’on aurait pu espérer il y a quelques années. Et l’élément nouveau, là, c’est plutôt du coté de la Chine, où la croissance est quelques points en-dessous de ce qui était prévu".
Pourquoi les prix des carburants baissent-ils moins que ceux du pétrole ? L’automobiliste attentif aura néanmoins noté que si le prix du pétrole a reculé de presque 30%, cette baisse ne se retrouve pas complètement à la pompe. Mais cela s’explique : "on ne consomme pas de pétrole, en fait on consomme un produit raffiné qui est transporté, qui nous est livré et auquel on ajoute des taxes. Et en plus, on paie ce produit en euros, sachant que l’euro s’est plutôt décôté par rapport au dollar (la monnaie de référence pour le commerce du pétrole, ndlr)", rappelle Patrice Geoffron. Avant de conclure : "tout cela crée un effet d’amortissement : le prix du pétrole a diminué d’un tiers. A la pompe, in fine, on n’en retrouve que 10%".
Cette baisse des prix peut-elle continuer ? S’il est impossible de répondre avec certitude à cette question, il est néanmoins possible de regarder dans le passé récent comment a évolué le prix du baril de Brent, aujourd’hui aux alentours de 72 dollars. "Regardons simplement ce qu’il s’est passé en 2008 au plus fort de la crise des subprimes : on est passé en l’espace de quelques semaines d’un pic aux alentours de 150 dollars à un plus bas aux alentours de 40 ", rappelle Patrice Geoffron.
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Un pétrole moins cher, est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Pour Christine Lagarde, présidente du FMI, la réponse est limpide :"il y aura des gagnants et des perdants mais, sur une base nette, c'est une bonne nouvelle pour l'économie mondiale". Côté gagnant, on retrouve évidemment les consommateurs, côté perdants, on retrouve les pays producteurs qui exportent, dont la Russie et l’Arabie Saoudite.
Patrice Geoffron est, lui, plus nuancé : "à court terme, cela a plutôt un impact positif sur la croissance. A plus long terme, à l’horizon de plus d’un an, cela crée une incertitude sur la rentabilité des investissements qui sont faits en matière de pétrole. (…) Lorsque ces investissements, il faut les faire en offshore profond, lorsqu’il faut les faire aux Etats-Unis pour du pétrole de schiste, à ce moment les financeurs vont y regarder à deux fois. Cela veut dire que nous avons devant nous potentiellement une augmentation des prix du pétrole", prévient-il.
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Retrouvez l'intégralité de l'interview de Patrice Geofron :