La France sera le futur cancre de l'Europe en 2016. C'est en tout cas ce qui apparaît sur le dernier bulletin de note de la Commission européenne, qui adresse un sérieux avertissement à Paris. Selon des prévisions de Bruxelles publiées mardi, le déficit public français sera en effet bientôt le plus important de la zone euro. En clair, l'Etat français est celui qui perdra le plus d'argent en 2016. Mais faut-il vraiment s'inquiéter de ces prévisions ? Décryptage.
>> Le déficit français sera le plus élevé la ZE en 2016 (Bruxelles)
Le triste classement. Dans le détail, la Commission prévoit un déficit à 4,4% en 2014, 4,5% en 2015 et 4,7% en 2016 à politique inchangée, alors que le gouvernement français prévoit un déficit public à 4,3% du PIB l'an prochain, pour un recul ensuite et un retour à l'objectif de 3% en 2017. Selon Bruxelles, en 2016, la France aurait donc le déficit le plus élevé de la Zone euro, derrière l'Espagne (-3,9%) et le Royaume-Uni (-3,4%). Et dans l'Union européenne, seule la Croatie ferait pire, avec un déficit qui atteindrait 5,6%. En 2016, seules la Grèce et l'Allemagne seraient excédentaires, à en croire ces prévisions.
>> Les déficits prévus par Bruxelles pour 2016
1) Grèce (+1,3%)
2) Allemagne (+0,2%)
3) Italie (-2,2%)
4) Portugal (-2,8%)
5) Irlande (-3%)
6) Royaume-Uni (-3,4%)
7) Espagne (-3,9%)
8) France (-4,7%)
- Zone euro (-2,1%)
- Union européenne (-2,3%)
Ces prévisions sont-elles réalistes ? Ces mauvais chiffres "sont largement dus à une croissance toujours modeste et certaines mesures comme une nouvelle hausse du coût du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et des réductions d'impôt pour les ménages à faible revenu", explique la Commission dans son rapport, pour justifier ces prévisions.
Mais le ministre des Finances, Michel Sapin, a souligné mardi que les prévisions de la Commission européenne ne tenaient pas compte des récentes mesures d'ajustement. "Ces prévisions de déficit public ont été faites avant toute proposition nouvelle", a-t-il nuancé lors d'une conférence de presse. En effet, Bruxelles se base sur la version initiale du Budget 2015. Or, le gouvernement a fait parvenir le 28 octobre une nouvelle version avec des économies supplémentaires de 3,6 milliards d'euros.
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La croissance, la grande inconnue. En outre, Bruxelles se base sur une prévision de croissance de 0,7% en 2015, là où le gouvernement table sur 1%. Or c'est sur la croissance que l'essentiel va se jouer. Car plus elle est élevée, plus les recettes de l'Etat augmentent et les dépenses diminuent. Michel Sapin a jugé que Bruxelles était "dans le bas de la fourchette" avec le chiffre de 0,7% attendu en 2015. Il est soutenu par le FMI, qui a publié le mois dernier des prévisions de croissance à 1%. Mais de nombreux économistes mettent également à mal cette prévision.
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"La prévision paraît optimiste. Elle suppose un redémarrage rapide et durable de l'activité que n'annoncent pas les derniers indicateurs. Le scénario du gouvernement présente plusieurs fragilités, touchant au dynamisme international et à la demande intérieure", taclait ainsi, début octobre, le Haut conseil des Finances publiques.
"Sur ces 15 dernières années, le gouvernement s'est trompé 11 fois sur ses prévisions de croissance. Le gouvernement nous promet chaque année que l'on créera 40 milliards de richesse, on en crée 25", renchérit au micro d'Europe1 Robin Rivaton, économiste au think-tank Fondapol, auteur de "La France est prête – nous avons déjà changé", pour qui "c'est soit de l'incompétence, soit du mensonge".