Après des mois de discussions animées, La Poste change de statut lundi et devient une société anonyme à capitaux publics. L'une des dernières à franchir ce cap en Europe. C'est l'épilogue de nombreux mois de débat politique et de contestation sociale, sur fond de craintes par l'opposition et les syndicats que ce changement de statut ouvre la voie à une privatisation.
Le point d'orgue de ces débats a été l'organisation en octobre d'une "votation citoyenne", sans valeur juridique, dans 10.000 "bureaux de votes" improvisés (mairies, marchés, gares, etc.), où 2,3 millions de personnes ont répondu non à la question: "Le gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser: êtes-vous d'accord?".
Une page se tourne
Pourtant, pour le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, "l'essentiel des postiers est beaucoup moins préoccupé par ce changement de statut que par les enjeux et l'avenir de La Poste et du courrier face à l'avènement de la société numérique".
"On sent bien aujourd'hui, maintenant que la loi est passée et que le processus va se faire, que la page est tournée", assure-t-il dans un entretien. "Cette évolution nécessaire pour l'avenir et le développement de La Poste a fondamentalement été comprise en interne", souligne-t-il.
Toujours un service public
Après la parution des décrets d'application au Journal officiel de samedi, la loi, qui entre en vigueur lundi, stipule que "cette transformation ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste", que l'Etat gardera une part majoritaire et autorise l'actionnariat salarié.
Le nouveau statut de La Poste ne change rien à ses missions, dont la distribution du courrier sur tout le territoire. Ses salariés actuellement fonctionnaires gardent leur statut et elle maintient ses 17.000 points de contact en France. Mais La Poste doit s'adapter aujourd'hui à internet et à l'ouverture totale à la concurrence du secteur postal en Europe, alors que le courrier ordinaire (moins de 50 grammes) sera libéralisé le 1er janvier 2011.
Pour cela, son nouveau statut lui ouvre la voie à une augmentation de capital: dans les prochains mois, La Poste va recevoir 1,2 milliard d'euros de l'Etat et 1,5 milliard de la Caisse des Dépôts et Consignations. Cet argent frais doit permettre de "poursuivre la modernisation, par exemple dans nos bureaux de poste, d'innover pour améliorer le service et réduire notre empreinte carbone, de conforter notre dimension européenne dans le colis et l'express et de créer les conditions du développement de la banque", précise Jean-Paul Bailly.
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